par Pierre Mouterde
On ne le rappellera jamais assez : toutes les affirmations de Véronique Lalande et du comité Vigilance Port de Québec, toutes celles qu’elles a fait connaître aux médias depuis plusieurs mois et que nous avions évoquées dans Droit de parole, eh bien elles ont été toutes confirmées et validées par les pouvoirs publics ! Sans exception aucune ! Chaque fois il a bien fallu que les autorités en prennent acte, même si ce fut à contre cœur en faisant tout pour en atténuer la portée.
Il faut dire que le mouvement citoyen Vigilance Port de Québec ne leur avait pas vraiment laissé le choix, tant il a su faire preuve de fermeté, de rigueur et de transparence, et qu’il a su associer largement la population de Limoilou à ses dénonciations.
Ainsi le ministère de l’environnement, même s’il a pendant longtemps semblé affirmer le contraire, a bien dû reconnaître que la source de contamination se trouvait au port de Québec et qu’il disposait de données montrant des concentrations 3 à 6 fois supérieures à la norme et remontant à plus de 15 ans en arrière. Ce qui, soit dit en passant, confirme le fait — en tenant compte de la configuration des vents dominants soufflant sur Québec — que le problème ne toucherait pas seulement Limoilou, mais de nombreux autres quartiers de la ville et jusqu’à l’Île d’Orléans et Lévis.
De son côté, François Desbiens, directeur de la Santé publique pour la région de la capitale, a bien dû admettre que les poussières de nickel étaient dommageables pour la santé et qu’elles pouvaient être à l’origine de problèmes de santé sérieux: maladies respiratoires, dermatites, asthme et même cancers (suite à une exposition de longue durée). Mais là encore, avec tellement de précautions, qu’il a fallu attendre plus d’une heure à la conférence de presse pour qu’enfin, pressé par les questions des journalistes, il finisse par reconnaître que « la situation ne pouvait pas perdurer ». Incroyable cette prudence cauteleuse de la part de celui qu’on considère être le gardien de la santé publique, alors qu’il serait par exemple si simple et si peu coûteux de croiser les données des entrées à l’hôpital avec celles des pics de concentration de nickel.
Même le maire Labeaume — dégoulinant comme d’habitude de populisme — a dû mettre de l’eau dans son vin. Lui qui jusqu’à présent ne s’inquiétait que des payeurs de taxes et de la valeur en baisse des propriétés de Limoilou, le voilà au conseil municipal du 6 mai soudainement préoccupé — quelle grandeur d’âme! — par la santé de la population, mettant du même coup hors jeu toute la question de savoir qui paiera les coûts occasionnés par les nécessaires actions de décontamination à venir : la ville (c’est-à-dire les citoyens ?) ou la compagnie ? Il a accepté de rencontrer Véronique Lalande, malgré l’appui qu’elle a reçu d’Amir Khadir, adversaire déclaré du maire. Il s’est aussi plié à la demande citoyenne d’un comité de Vigilance sur lequel pourraient siéger des représentants de Vigilance Port de Québec; il est vrai qu’il s’agit d’un comité purement consultatif.
Il reste cependant le responsable numéro 1 de toute cette affaire: la société Arrimage Québec. Elle continue de jouer au chat et à la souris, faisant tout pour éviter l’avis de non-conformité émis par le ministère de l’environnement et pour promouvoir son image de bonne société corporative. Ainsi a-t-elle invité les journalistes à visiter le port, n’imaginant pas qu’elle se trouverait incapable de leur montrer, ce jour-là, où étaient les fameux capteurs d’air qu’elle avait promis d’installer, ni de les convaincre qu’il ne s’échappait plus de poussière nocive de nickel lors du déchargement à l’air libre du bateau, ni lors des chargements des camions ou de leurs longs déplacements vers l’entrepôt. Et ce n’est pas la promesse solennelle de dorénavant tout arroser qui résoudra le problème, car tout ce qui s’échappera des chargements en étant mouillé, sera quelques jours plus tard asséché et pourra au prochain vent prendre son envol vers la ville.
L’anecdote le montre bien: rien n’est encore vraiment gagné, même si un élan essentiel a été donné, un élan qui vaut de l’or. Car comme le dit Véronique Lalande : « Aujourd’hui mon balcon est toujours aussi sale, mais moi j’ai changé (…) j’ai transformé ma frustration en action (…) je suis devenue une citoyenne active (…)».
N’est-ce pas ainsi qu’on pourra imaginer faire respecter le droit à disposer d’un véritable air pur en ville et qu’ensemble on pourra ainsi s’ouvrir à d’autres possibles ?