Un doux sentiment nous habite lorsque l’on rencontre le poète. Un petit estaminet de Québec, le Vieux, une rencontre improvisée pour mieux connaitre celui qui regarde les mots avec tendresse. Le bruit se promène autour et bourdonne, une jeune dame assise à la table à notre côté parle fort, micro ouvert avec son téléphone intelligent ; j’ai soudain le souvenir du poème lu dans la grande toile et qui m’a amené là : « dans la pharmacie les médicaments/ sont rangés par ordre/ d’effets secondaires ». Tout de suite, je pense à Desbiens, pour le côté télégraphique de la strophe, contemporaine par excès et qui résume synthétiquement le revers d’une société axée sur la performance.
Effectivement, je pense à ce poème extraordinaire de simplicité Poisson d’avril: «tu disais que tu m’aimais». Patrice Desbiens a ouvert une petite brèche dans la littérature québécoise qui ne finit plus de mieux s’ouvrir. Denis Samson a saisi la porte avant qu’elle ne se referme vivement. Il entraine avec lui une série de poèmes et une gang plutôt sympathique qui pense la littérature autrement. Tous à la remorque les uns des autres.
Alors que Denis Samson me prête deux livres, Les territoires de l’ombre, publié en 2004, aux éditions Trois-Pistoles et Dormance et métamorphoses de l’oeil, un poème visuel écrit en 2005, une collaboration avec le photographe Michael Flomen, dans la collection L’image amie, chez VU, je toise une reproduction de Picasso qui remet les perspectives en place. Je déconstruis en boucle mes questions pour ouïr le poète: «pour les autres/t’as jamais l’air de quelqu’un qui se noie».
J’ai tiré à l’hameçon ces vers glanés ici et là dans Internet. Pour Denis Samson et ses acolytes littéraires, la poésie doit être lue autrement qu’autour d’une rasade de vodka devant trois aficionados dans un café paumé quelconque. Nous sommes en 2013, Denis Samson me donne des bouts de papier de sa graphe avec cette merveilleuse citation de Bachelard: «La poésie (l’écriture poétique) est engagement car façon d’être vis-à-vis du langage, de tout langage, dont elle repoussera les limites dans le but de créer des espaces de liberté à cet être de langage que nous sommes, un langage libre à l’égard de soi-même».
C’est dans cet esprit qu’est né le trio CLS (Coulombe, Larose, Samson) dans l’univers du Web. Il faut comprendre la noble revendication du collectif: sortir la poésie des boites rangées au sous-sol des distributeurs de livres. La poésie est écrite pour être lue. Pour rejoindre le public actuel, soyons de notre époque et choisissons la toile, dixit le poète. S’entendre, Internet apporte son lot de vulgarité, mais parfois s’y trouvent, lorsque l’on tasse les débris, des bijoux: «Oiseau qui te regarde/ tombé du ciel/et toi/qui regardes ailleurs». En effet, alors que je becte des lèvres une verveine froide – la conversation s’étire et les breuvages sont froids –, mon regard s’évanouit dans les songes qui fourmillent devant tant d’images. Je pense à cette Toile, ouverte à toutes les propositions sans censure. Je dérive apaisé au son de la voix douce du poète et me repasse ce bout de poème extirpé quelque part dans un de ses livres: «là où meurent les regards/tombés d’ailes déployées/germent des semences nouvelles/de révolte».
Inspiré par les Bukowski, Vanier et Grandbois, Denis Samson n’écrit plus en solitaire. Il joint sa plume à celle d’Alain Larose et Jean Coulombe, deux poètes originaires de Québec. Chaque mois, chacun écrit un poème en se renvoyant l’ascenseur. Le choix éditorial d’écrire dans Internet porte fruit, car nombreux sont ceux qui sont abonnés au fil de poèmes publiés. Ainsi, le collectif est certain d’être lu et, par extension, il est aussi certain de rejoindre un public avide de lire. Ce qui peut parfois être différent des lecteurs de livres, qui oubli le livre au chevet des mois durant, ou, carrément, le place soigneusement dans la bibliothèque à des fins esthétiques. Les poèmes du collectif se gravent dans nos têtes et meublent, à leurs façons, nos quotidiens échevelés. Une visite de temps à autres sur le blogspot du collectif nous rappelle que la poésie s’adapte continuellement aux changements, elle est toujours de son époque, grâce entre autres à des initiatives opportunes. La poésie survit toujours…
Bonjour,
J’ai retrouvé dans ma bibliothèque un carnet de poésie écrit par Denis Samson vers la fin des années « 70.
Est-ce qu’il aimerait le récupérer?
si oui, me laisser une adresse postale où je pourrais lui faire parvenir.