par Lynda Forgues
Le 18 juin prochain, ça fera trois ans que la Ville de Québec a, dans la foulée de la défunte Loi 78, rajouté de nouveaux articles à son Règlement sur la paix et le bon ordre; le législateur a d’abord défini ce qu’était une manifestation, puis a imposé des restrictions à l’usage des espaces publics par les citoyen-nes.
Depuis 2012, il existe un couvre-feu pour tout le monde dans les parcs de Québec. Mais surtout, le droit de se réunir pacifiquement afin d’exprimer une opinion se trouve grandement compromis, que ce soit sous forme d’occupation ou d’une simple manifestation, dans la rue, sur un trottoir, ou sur n’importe quelle place publique.
Déjà à l’époque, des voix se sont fait entendre pour protester contre ce genre de règlement qui laissait aux forces policières tout pouvoir de décider qui dorénavant pourrait manifester et de quelle façon. Et on nous rétorquait qu’il s’agissait de craintes infondées, que la police ferait preuve de jugement… On a pu voir que non seulement à Québec, mais un peu partout dans la province, ce type de législations anti-manifestations n’a fait qu’augmenter la sévérité de la répression policière et diminuer de fait l’exercice de la liberté de manifestation.
Le 19 avril dernier, le Comité de sensibilisation et d’action sociale appelait à une action pour combattre ‘’la laideur de la société actuelle par le lyrisme et la poésie.’’ Le rendez-vous était donné dans l’après-midi à place de l’université à Saint-Roch pour une lecture de poèmes engagés. Ce qui devait être suivi d’une manifestation dont le trajet serait donné aux autorités. Après les édifiantes lectures de tous genres, un des organisateurs est venu dire aux personnes rassemblées que les forces policières refusaient la manifestation sous prétexte de manque d’effectifs pour assurer leur sécurité… Les personnes ont donc décidé de ne pas exercer leur droit de manifester, en faisant leur propre service d’ordre, elles ont cru le baratin de la police qui, malgré qu’on leur ait remis d’avance un itinéraire en bonne et due forme, niait le droit légitime de citoyen-nes de manifester. On parie que, des effectifs, le SPVQ en aurait trouvés si les dizaines de personnes avaient pris la rue! Ça n’aurait pas été long que les rues auraient été bloquées par une opération policière dérangeante ! En conclusion, c’est la police, le SPVQ, qui a en mains les clés de la démocratie dans la ville de Québec.
Un des articles adoptés en 2012, le 19.2, est celui qui a été utilisé contre les manifestantEs lors des souricières et pour lancer des chiens, des gaz, de la façon de la plus brutale les 24 et 26 mars dernier. C’est justement cet article qui sanctionne l’interdiction de participer à une manifestation illégale sur le domaine public… notamment sous prétexte de l’itinéraire non remis.
Cet article se trouve être contesté en cour présentement par un citoyen de la ville de Québec qui avait reçu une telle contravention avec deux autres manifestants en 2013. On peut dire qu’ils avaient étrenné la nouvelle mouture du règlement municipal. Tout en contestant sa contravention, M. André Bérubé a aussi décidé d’en appeler de sa validité constitutionnelle en regard du droit de réunion pacifique et du droit à la liberté d’expression.
Cette cause qui nous intéresse tous et toutes devait être entendue à la fin du mois de mai, mais la Ville de Québec a réussi à faire déplacer l’audition à l’automne prochain. Le maire Régis Labeaume a même reçu un sub-poena des mains de M. André Bérubé lors du conseil municipal, document qu’il refusait puérilement de prendre. La présence de Régis Labeaume en cour sera requise afin qu’il témoigne de ce qu’était son intention lorsqu’il a légiféré pour restreindre le droit de manifester à Québec. Est-ce que le but de la Ville, en reportant la cause de quelques mois, est de mieux se préparer qu’en 2005 quand elle a perdu sur la question de l’interdiction du masque lors des manifestations?
En attendant que l’article 19.2 soit déclaré inconstitutionnel, les citoyen-nes ne devraient pas oublier que selon le règlement municipal lui-même, si on remet notre itinéraire, la manifestation se trouve être légale. Ce ne devrait pas être à la police de contrôler le droit de manifester… même si on sait qu’en pratique le droit de manifester n’existe que pour qui ne l’utilise pas.