Le quartier Saint-Sauveur est aux prises avec un problème existentiel. La Ville s’acharne à vouloir construire un projet résidentiel (avec une part de logements sociaux) à la place d’un équipement collectif à valeur patrimoniale — le Centre Durocher — situé sur la grande place publique du quartier.
Une majorité de résidants s’oppose à la démolition annoncée du Centre Durocher et souhaite qu’il soit voué à des activités culturelles, activités qui font cruellement défaut au quartier Saint-Sauveur. Mais la lutte est inégale.
Le comité citoyen (CCCQSS) et les quelques militants actifs sont laissés à eux-mêmes et doivent se débattre comme le diable face à des adversaires puissants et durs d’oreille: le maire, l’administration municipale, la conseillère du quartier, une élite plutôt indifférente à ce qui se passe en Basse-Ville et un groupe de ressources techniques (GRT) qui veut à tout prix construire du logement là où le zonage ne le permettait pas.
Non seulement le projet résidentiel ne respecte pas le zonage, mais il bafoue en plus la volonté populaire et contredit un des postulats les plus élémentaires de l’aménagement urbain qui veut que la place publique d’un quartier soit un endroit de mixité fonctionnelle où la priorité doit aller aux équipements collectifs, surtout lorsque ceux-ci hébergent des activités culturelles.
On connaît et on admire l’ardeur avec laquelle le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) accourt aux barricades quand le logement social est menacé. D’ailleurs, tous ceux et celles qui militent pour la conservation du Centre Durocher sont d‘accord avec la construction de logements sociaux dans Saint-Sauveur, à condition de ne pas passer par une démolition pour y parvenir.
Les endroits pouvant accueillir du résidentiel sont nombreux dans le quartier, dont un stationnement appartenant à la Ville en face du Parc Durocher. Mais l’aménagement urbain — pour un groupe soi-disant « d’action en réaménagement urbain » — semble causer problème au FRAPRU, ou du moins ne pas susciter le même emballement que le logement social. Entendons-nous bien : l’aménagement urbain ne prime pas sur le logement social, simplement il le précède, comme l’existence précède l’essence pourrait-on dire. L’aménagement urbain est lié à des droits collectifs (lotissement, ensoleillement, transport, proximité des services et des espaces verts, etc.) que protègent les règlements de zonage.
En milieu urbain, le respect des règles de l’aménagement est à la source même de l’existence d’une vie de quartier. Quant au logement social, un service essentiel s’il en est un, il relève des services aux individus. Intimement liés, aménagement (vie) et logement (survie) doivent cohabiter et il faut éviter de les mettre en opposition. L’État aime bien quand le mouvement populaire assume à sa place les services aux individus; en revanche, il préfère faire semblant d’assumer lui-même la défense des droits collectifs et déteste que d’autres s’en mêlent et viennent lui faire la leçon.
L’Équipe Labeaume s’est servi par deux fois du logement social comme leurre pour endormir l’adversaire et tenter de rendre socialement acceptables des projets d’aménagement controversés et hors norme. En 2012, à l’Îlot Irving (Faubourg Saint-Jean), et en 2015, au Centre Durocher. Dans le cas de l’Îlot Irving, des citoyens — sans l’aide de leur comité, un groupe membre du FRAPRU — ont dû forcer la Ville à tenir un référendum (qu’ils ont gagné) pour faire respecter le zonage.
Au Centre Durocher, le recours au référendum semble impossible à moins d’un retournement de l’opinion publique pour l’imposer. On est loin de la coupe aux lèvres. Que reste-il au Comité citoyen et aux militants pour faire face à un maire arrogant et ultra réactionnaire, à une conseillère qui se moque de la volonté populaire ? On dit que le FRAPRU, c’est les groupes qui le composent. Actuellement, un des groupes du FRAPRU, le CCCQSS, a grand besoin de renfort.