Ce texte fait suite à la contribution d’Estelle Richard dans le Droit de parole de juin dernier sur cet important sujet. L’obsolescence est traitée ici en amont, c’est-à-dire sous l’angle des stratégies utilisées pour produire des objets à durée de vie restreinte. Le phénomène n’est pas nouveau, mais les ressources de la technologie lui confèrent une redoutable efficacité. On connaît la suite : péremption rapide de l’objet – mise au rebut – nouvel achat…
Bref, production de déchets et gaspillage de ressources. L’argument souvent invoqué à l’effet qu’un remplacement rapide de l’objet serait nécessaire pour financer le développement et la recherche peine à masquer la motivation première : la maximisation du profit.
Plusieurs stratégies sont utilisées par les industriels en vue d’une péremption rapide de leurs produits. En voici quelques unes.
L’abandon de la fabrication et la non-disponibilité des pièces Lorsqu’un manufacturier décide d’arrêter la production d’un item spécifique pour en commercialiser aussitôt un autre légèrement différent, cette succession rapide rend difficile, sinon impossible, tout entretien ou réparation. Un exemple personnel : j’achète une caméra numérique Canon en 2008. La portière de plastique, qui donne accès à la carte mémoire, se brise deux ans plus tard. L’agent de la compagnie à qui je téléphone en vue de la remplacer m’explique le plus naturellement du monde que ce modèle a été fabriqué de mars 2008 à mars 2009, pour être ensuite remplacé, et qu’il est par conséquent impossible d’obtenir une quelconque pièce de rechange.
J’ai déjà eu devant moi quatre rasoirs électriques Philips à têtes rotatives. Même couleur, même forme, même dimension. Tous interchangeables, à première vue. Un examen plus attentif montra toutefois qu’aucune des têtes de rasage ne pouvait s’installer sur un autre appareil.
Elles avaient toutes le même diamètre, mais chacune différait par de minuscules détails liés à l’insertion sur l’axe de rotation. Aucun transfert n’étant possible, il fallait passer à chaque fois par la compagnie. De la même façon, plusieurs modèles de téléphone mobile ne fonctionnent qu’avec une batterie et un chargeur spécifiques.
Leur remplacement implique de recourir au matériel de la compagnie, vendu à un prix exorbitant, si bien que des appareils fonctionnels se retrouvent au rebut.
Un exemple bien connu est celui d’imprimantes d’ordinateur équipées d’une puce qui commande un arrêt de fonctionnement au-delà d’un certain nombre de pages imprimées. En ce qui a trait aux cartouches elles-mêmes, plusieurs sont munies d’une puce générant un message « cartouche vide » alors qu’il reste encore de l’encre ou de la poudre.
Il y a fort à parier que des stratégies similaires – ou de nouvelles – vont s’appliquer dans les prochaines années. De nombreux produits à remplacement rapide seront mis en marché. Leur design sera accrocheur, leur publicité bien ciblée. Serons-nous vigilants ?