Par Laurence Morin et Michel Leclerc
L’eau est aujourd’hui une ressource des plus convoitée. Les entreprises de partout dans le monde ne cachent pas leur soif. Les AmiEs de la terre dénonce le cas de Nestlé.
Dans le documentaire autrichien We Feed the World (2005) Peter Brabeck-Letmathe, actuel président de Nestlé, déclare que qualifier l’eau de droit humain est extrême1. Il souligne la valeur inestimable de l’eau puis ajoute qu’il s’agit d’une denrée qu’il faut distribuer sur le marché, donc d’un bien commercial. Largement critiqué, Brabeck-Letmathe s’est (évidemment) ravisé. Suite à cela, il a exprimé un point de vue contraire dans plusieurs entrevues et sur le site de Nestlé. Rappelons que l’entreprise a réalisé, en 2010, un chiffre d’affaires de 11 milliards de dollars avec l’eau2. Ce leader mondial de l’agroalimentaire possède plus de soixante-dix marques d’eau embouteillée partout dans le monde (ex. : Perrier, San Pellegrino, Vittel, Poland Spring, etc.). La 1ère idée avancée par Brabeck-Letmathe peut sembler plus spontanée, plus sincère.
La chaîne de télévision franco-allemande Arte a diffusé le film Bottled Life en septembre 2012. Il s’agit d’une enquête réalisée sur trois continents démontrant comment Nestlé accapare les ressources en eau pour en faire la vente au prix fort. Bottled Life nous présente un grand nombre de protagonistes et de perspectives : adversaires et partisans de Nestlé, usagers ou militants.
Nestlé affiche ses couleurs et souhaite que l’eau devienne un bien économique en affirmant que le privé est le meilleur garant du service de l’eau pour tous… mais à quel prix? Le premier devoir de ces transnationales est d’abreuver la soif intarissable de leurs actionnaires. Il ne restera de l’eau que pour celles et ceux qui ont les moyens financiers de se la payer. Prenons l’exemple de l’Afrique du Sud où, dans le township de Soweto, une multinationale a installé un service d’eau… qui fonctionne avec des compteurs payants ! Pas d’argent, pas d’eau !
Tout cela se produit à l’ère de la signature d’accords économiques de tous acabits, notamment l’Accord économique et Commercial Global entre le Canada et l’Union européenne (AÉCG) et alors que l’on sait que les multinationales de l’eau sont européennes (et qu’elles veulent notre bien !) Des multinationales de l’eau sont réunies au sein du Conseil mondial de l’eau, servant de paravent aux nombreux ONG qu’il génère et/ou finance.
Nous appelons ici à une vigilance citoyenne et rappelons que les Amis de la Terre de Québec considèrent l’eau comme un bien commun à gérer collectivement et équitablement. L’eau doit être accessible à toutes et à tous en quantité et en qualité suffisante ici et ailleurs. L’eau devrait être une occasion de solidarité et non une occasion d’affaires.
1- MCGRAW, George (24 avril 2013). « Nestlé Chairman Peter Brabeck Says We Don’t Have a Right to Water, Believes We Do Have a Right to Water and Everyone’s Confused. (Video) » The Huffington Post
2- Ibid.