Par Morgane Mary-Pouliot
D’abord, mettons quelque chose au clair : Femen n’est pas contre les femmes participant au compromis patriarcal, à l’esclavage stylisé. Le 31 janvier, ce n’est donc pas contre les participantes ni contre l’auditoire que nous avons dirigé notre manifestation. Nous en voulons au Carnaval, à son comité, qui a eu l’idée archaïque de ramener les Duchesses en 2014.
Lorsque nous avons parlé de l’action, nous nous attendions à bien des choses, mais pas à ce qui s’est passé en temps réel.
Nous avions peur qu’on nous ignore, qu’on nous laisse geler sur place. Nous attendions-nous à nous faire arrêter ? Oui, bien sûr, mais pas avec une telle violence. Il faut savoir que Femen Québec était la branche du mouvement la mieux accueillie, nous n’avons jamais vraiment eu de rapports violents avec la police, la loi étant de notre bord. Ce qui s’est passé vendredi soir, c’est quelque chose que je ne croyais pas vivre au Québec. Que nos seins déclenchent une telle violence des policiers, qui nous ont trainé dans la neige et qui ont poussé l’audace jusqu’à m’étouffer pour que je cesse de crier. La foule aussi a eu une réaction inattendue, pendant qu’on était transporté comme du bétail ils nous lançaient de la neige. « Salopes ! » « Connasses ! » « Pas de classe ! », que j’entendais crier.
Le concours des Duchesses est l’exemple de ce qu’est le patriarcat en terme de publicité ; de belles femmes, standardisées, sans réel contenu, sans projet apportant quelque chose de tangible. Après on vient me dire qu’il y avait des enfants. Justement, il y avait des enfants ! de jeunes filles ! Ces jeunes filles à qui l’on dit que c’est ÇA la réussite féminine, que pour avoir de la notoriété en tant que femme, il faut être belle et c’est tout. Pas besoin de contenu, pas besoin de convictions particulières.
La réaction policière ne visait qu’à nous effrayer et ils peuvent ravaler leurs menaces ; nous ne nous censurerons pas pour leur bon vouloir. Après les trois heures que nous avons passé en cellule et l’arrestation musclée que nous avons subie, notre cause nous semble plus réelle. Même au Québec, l’utilisation politique du corps de la femme fait peur. Même au Québec, une femme radicale fait peur.