Par Pierre Mouterde
Il y a de cela un an et demi, en août 2012, au sortir des grandes manifestations du Printemps Érable, on espérait — quand on avait le cœur à gauche — que les élections annoncées puissent nous délivrer enfin de l’arrogance têtue d’un premier ministre aux abois ainsi que de ses politiques néolibérales dévastatrices.
On espérait aussi qu’elles nous permettent de vivre un peu de ces élans de transformation sociale qu’avaient si bien incarné le mouvement étudiant; à rêver par exemple d’une éducation qui serait gratuite, ou encore d’une économie non pétrolière axée sur le « bien commun », ou encore de partis qui tiendraient leurs engagements et ne seraient pas gangrénés par la corruption ou l’électoralisme à bon marché. Il y a un an et demi, on était si nombreux à être portés par de formidables envies de printemps.
Et si plusieurs, à cette occasion, avaient finalement donné leur voix au PQ, ce n’était pas nécessairement parce que ce dernier incarnait le renouveau ou qu’il leur inspirait de grands enthousiasmes, mais parce qu’il permettait — scrutin uninominal à un tour oblige — d’en finir avec ces politiques honnies, d’en stopper le cours si désolant. Au moins arrêter Charest et ses politiques droitières, et tel était le mot d’ordre : voter utile !
C’était en tous cas l’argument massue, qui avait été utilisé et ressassé partout et qui dans bien des cas avait permis aux candidats péquistes de rallier les suffrages nécessaires pour in fine parvenir à former un gouvernement minoritaire.
Mais cette fois-ci en mars 2014, après un peu plus de 18 mois de gouverne péquiste, est-il possible, quand on a à cœur les intérêts des couches populaires de la ville de Québec, de s’en tenir au même raisonnement ? Ou même de le poursuivre en y ajoutant quelques arguties supplémentaires voulant, par exemple, qu’il faille re-voter pour le PQ pour lui donner une chance d’être majoritaire et ainsi lui offrir les moyens de ses ambitions ?
À vrai dire, il apparaît bien difficile de le faire. À moins de se mettre la tête dans le sable ou de fermer les yeux devant ce qu’on doit bien appeler un véritable virage à droite : compressions budgétaires, réductions de l’aide sociale accordée aux plus démunis, exploration pétrolière à Anticosti, hausses des tarifs d’électricité et des garderies, manipulation de la fibre identitaire québécoise à des fins électoralistes. Pas de doute, le PQ depuis qu’il est au pouvoir n’a nullement rompu avec les grandes orientations institutionnelles de son prédécesseur, ni bloqué l’avancée de ses politiques néolibérales. Tout au contraire, il s’en est fait — à sa manière — le servile laquais cadenassant à tout jamais ces désirs de printemps.
Alors si, à Québec, on souhaite par exemple mettre un terme aux menées pollueuses du Port et de la compagnie Arrimage Québec, ou alors promouvoir un développement urbain convivial, ou peut-être mettre un frein à la démagogie des radios poubelles ou encore faire vivre une véritable démocratie citoyenne dans les quartiers du centre ville, il faut en ce printemps oser emprunter d’autres chemins, loin du vote utile et des calculs électoraux à courte vue. Il faut oser voter pour ses convictions, oser donner sa chance à une véritable alternative à gauche. N’est-ce pas ainsi, et seulement ainsi, qu’on maintiendra vivants –au cœur de l’hiver néolibéral — ces formidables désirs de printemps qui nous hantent ?