Par Marc Grignon
La densification urbaine, bien employée, constitue un moyen d’améliorer la qualité de vie dans un quartier trop éclaté, un centre- ville qui a souffert d’abandon et de démolition ou une banlieue mal pourvue en services. En rapprochant les résidents, la densification permet d’augmenter le nombre de commerces de proximité. Elle facilite les déplacements à pied et à vélo tout en enrichissant l’expérience urbaine par une saine diversité des fonctions. Associée au transport en commun, la densification sert à lutter contre l’étalement urbain, un des plus grands fléaux auxquels les villes sont confrontées aujourd’hui. Voilà, en quelques mots, la théorie.
Voilà aussi pourquoi on peut se questionner devant certains projets récents impliquant des dérogations au zonage dans nos quartiers centraux. Le projet d’un édifice de onze étages sur l’îlot de l’ancien magasin Omer de Serres, à l’angle des rues Caron et Sainte-Hélène, est le dernier en date. Présenté publiquement lors d’une séance du Conseil de quartier de Saint-Roch en novembre 2013, le projet nécessiterait une dérogation au règlement de zonage pour atteindre la hauteur souhaitée. Il devrait normalement faire l’objet d’une consultation publique en bonne et due forme.
Cette présentation « en amont » était le résultat d’une initiative du Conseil de quartier de Saint-Roch. Elle visait à amorcer un dialogue bien avant la consultation publique, ce qu’ont souvent demandé les citoyens aussi bien que les promoteurs immobiliers ces dernières années. Comme le rapportait le quotidien Le Soleil le 29 novembre 2013, le promoteur Jean Campeau et son architecte Pierre Martin se sont prêtés volontiers à cet exercice – nouveau et sans aucun doute un peu expérimental. Ils ont pu répondre à plusieurs questions et recueillir de nombreux commentaires du public et des membres du Conseil de quartier. Bien entendu, il reste à voir ce qu’ils feront de tout cela, et comment le projet évoluera. Mais soyons optimistes et félicitons l’initiative du Conseil de quartier.
C’est surtout le sens prêté à l’idée de densification qui mérite une réflexion actuellement. Si les choses vont de l’avant, la Ville de Québec sera appelée à examiner une demande de dérogation au zonage très particulière. En effet, bien que le boulevard Charest se trouve à deux pas, le projet se situe à la lisière d’un quartier peuplé d’édifices anciens, de la petite maison ouvrière à la manufacture de quatre ou cinq étages, en passant par l’immeuble à logements multiples de deux ou trois étages. Il est essentiel que l’îlot soit redéveloppé, tout comme le terrain vacant du stationnement Dorchester juste en face. Mais il est aussi essentiel que ce redéveloppement se fasse en harmonie avec l’architecture et l’ambiance du quartier.
Nous sommes évidemment heureux de lire dans le Plan d’affaires de l’arrondissement de La Cité-Limoilou pour 2012-15 l’orientation suivante : « S’assurer que la densification se fasse dans le respect des milieux de vie » (point 9). Le redéveloppement de tout ce secteur peut être extrêmement bénéfique pour Saint-Roch si le processus de densification n’est pas détourné de ses objectifs fondamentaux : la recherche d’une densité optimale, pour un milieu de vie agréable. En fin de compte, c’est la qualité de vie, encore fragile dans Saint-Roch, qui fera la différence entre un quartier dynamique où les résidents s’établiront à long terme et un quartier où les nouveaux arrivants se succéderont continuellement, sans développer d’attachement particulier.