Droit à l’alimentation, droit au logement, droit à l’eau. Dans les dernières décennies, la défense de droits collectifs semble s’être imposée dans le cadre des luttes sociales. Or, nous dit Brewster Kneen, le paradigme des droits est devenu si dominant dans le débat social et politique occidental qu’il s’apparente à une tyrannie. L’hégémonie du discours des droits est telle qu’il menace jusqu’à la capacité de nos sociétés à concevoir des interventions publiques efficaces en faveur de la justice sociale et du bien commun.
La reconnaissance de droits sociaux dispense généralement les décideurs d’intervenir pour remédier à l’injustice et prend davantage une valeur incantatoire. La cause de cette impuissance réside en partie dans le mariage de la philosophie des droits avec l’individualisme et le libéralisme économique. Ériger un objectif en un droit, c’est le réduire à une revendication individuelle.
Passant en revue toute une série de droits, l’auteur démontre que cela a pour effet de miner la solidarité sociale dans la poursuite de cet objectif. Remettant en question le prétendu universalisme des droits de la personne, Kneen cite plusieurs exemples de sociétés « non occidentales » où la notion même de droit individuel est absente, au profit d’un langage de la responsabilité à l’égard d’autrui. S’y élaborent des solutions collectives locales qui ont des chances d’apporter des remèdes concrets aux maux sociaux, ce qu’une société d’individus retranchés derrière leurs droits individuels et de propriété se révèle de plus en plus impuissante à accomplir.