Par Nathalie Côté
La manifestation du 11 octobre dernier à Cacouna a rassemblé plus de 2 000 personnes venues de partout au Québec pour dénoncer la construction du port pétrolier de TransCanada. C’est dans ce lieu que se reproduisent les bélugas, ces baleines blanches sont une espèce menacée d’extinction.
Simon Côté, porte-parole de Stop-Oléoduc Rimouski, est convaincu : « Je veux dire à nos adversaires : Sachez que maintenant l’énergie de milliers de citoyens va se concentrer de plus en plus dans la résistance. Au Québec, la société civile se tient debout. »
Une injonction de la Cour supérieure du Québec a interrompu les travaux au port de Cacouna jusqu’au 16 octobre. Les militants écologistes et les citoyens demandent que le gouvernement québécois prolonge l’interruption des travaux pour protéger les bélugas, toujours en période de reproduction.
Il existe bel et bien une mobilisation citoyenne contre le transport du pétrole des sables bitumineux sur le territoire québécois. Qu’il se fasse par pipeline, par bateau ou par train. Ce rassemblement est aussi le témoignage d’un désir de passer aux énergies vertes et de sortir du pétrole.
Face aux politiciens et aux politiciennes qui ne défendent pas le bien commun, plusieurs personnes présentes à Cacouna ont parlé de la nécessité de passer à la désobéissance civile. La foule de deux milliers de personnes a d’ailleurs chaudement applaudi Alissa, une des quatre activistes qui s’est enchainée le 4 octobre dernier aux portes de la compagnie Suncor à Montréal pour dénoncer l’inversion du pipeline 9B d’Endbrige qui transporterait du pétrole de l’Alberta jusqu’à Montréal.
La jeune militante a souligné que « ce genre d’action ne peut se faire sans équipe de soutien. Chacun a quelque chose à faire dans cette lutte. Faire la cuisine pour la personne qui se fait enchainer est aussi important. »
Comme le souligne Martine Chatelain d’Eau Secours : « Chacun de vous compte. On peut changer les choses, parce qu’on est plus fort ensemble. On ne va pas cesser de combattre Harper. Et c’est peut-être les bélugas qui vont nous sauver. Ils (les politiciens et le lobby du pétrole) nous disent : on a besoin de pétrole. On n’a pas besoin de pétrole ! Mais c’est d’eau qu’on a besoin pour vivre. (…) Goutte après goutte, on va faire une vague, on va faire un tsunami. » Pour la porte-parole de Greenpeace, tous les moyens d’action seront utiles : « on dit que c’est radical (la désobéissance civile), mais tuer des espèces animales n’est pas radical ? »
« Je suis consterné de voir les positions de notre gouvernement », s’indigne Martin Poirier porte-parole de l’organisation Stop-Oléoduc, quand je vois Heurtel (le ministre de l’Environnement et des changements climatiques et du développement durable) se comporter comme un lobbyiste de TransCanada, quand je vois que le premier ministre Couillard devient un promoteur de TransCanada. »
Il y a matière à indignation, en effet, lorsque l’on constate qui sont les alliés des libéraux. Dans un texte paru le 13 octobre dans le journal web Ricochet, Gabriel Nadeau-Dubois révélait les liens entre du gouvernement libéral et Philippe Cannon, l’actuel porte-parole québécois de la compagnie TransCanada. Il rappelle que Philippe Cannon a été « candidat libéral en 2007, il a été chef de cabinet de deux ministres libérales et attaché de presse de Line Beauchamp lors de son passage au ministère de l’Environnement. Aujourd’hui, il agit officiellement à titre de lobbyiste et de porte-parole pour TransCanada, une entreprise privée qui cherche à obtenir une autorisation auprès de ce même ministère. » Depuis la parution du texte de Gabriel Nadeau-Dubois, Cannon a été promu à la direction d’Énergie Est et Tim Duboyce, un ancien de CBC, le remplacera aux communications.
Mais le Parti libéral n’est pas le seul à blâmer. À la fin de la manifestation du 11 octobre, la parole a été donnée aux élus. Ils ont livré des discours partisans, comme on pouvait s’y attendre. Un moment fort a certainement été, lorsque Martine Ouellet, députée de Vachon et ancienne ministre de l’Environnement sous le gouvernement québécois, a dit à la foule que le Parti québécois a toujours été contre ce projet d’exportation des sables bitumineux. Les gens sont demeurés sceptiques, se souvenant certainement de l’adhésion du Parti québécois, en commission parlementaire en décembre 2013, à l’inversion du pipeline 9B d’Enbridge.
Mais surtout, la foule lui a rappelé une des erreurs monumentales de son parti en scandant « Anticosti ! Anticosti ! », troublant son discours. Par la suite, le député du NPD , François Lapointe, a annoncé que son parti tente de faire adopter une motion en chambre à Ottawa contre la construction du port pétrolier de Cacouna. Pour sa part, Françoise David, de Québec solidaire, n’a pas hésité à dire : « s’il faut ressortir les casseroles, on les ressortira ! »
À l’heure où il faut lutter contre les changements climatiques, les dirigeants et les compagnies de pétrole et leur lobby continuent coute que coute à vouloir accélérer le développement du pétrole et son exportation. Cette accélération est manifeste dans l’offensive qui vient de toutes parts. En plus de l’insistance de TransCanada à procéder le plus rapidement possible à ses travaux, des superpétroliers ont déjà commencé à faire de l’exportation de pétrole bitumineux via le port de Sorel-Tracy. Un projet de port d’exportation dans la Baiedes- Chaleurs en Gaspésie pourrait aussi voir le jour. Sans parler du projet de Québec, comme le révélait Le Soleil, le 14 octobre.
Ces superpétroliers, qui veulent faire du fleuve St-Laurent une autoroute du pétrole, sont très polluants, en plus des dangers de déversements. De plus, comme le relatait le scientifique Émilien Pelletier, dans Le Devoir le 11 octobre dernier : « il existe un autre risque qui n’a fait l’objet d’aucune évaluation : les eaux de ballast. Les navires doivent transporter dans leurs flancs des quantités importantes d’eau lorsqu’ils ne sont pas chargés. Cela leur permet de maintenir leur équilibre. Dans le cas d’un pétrolier, ce volume peut atteindre 60 000 tonnes.
Mais cette eau, déchargée au moment de charger du pétrole, peut provenir de n’importe quelle région du monde, notamment de ports lourdement contaminés, par exemple en Asie. »
Les sables bitumineux, c’est de notoriété mondiale, sont les plus polluants de la planète et ils contribuent à l’accélération des changements climatiques actuels. Y résister, c’est refuser de faire de nous des porteurs de pétrole, le long du St-Laurent et c’est défendre la réserve d’eau potable de 40 % des Québécois. Les projets de construction de pipelines, ceux de Keystone-XL aux États-Unis et de Northen Gateway en Colombie-Britannique, ont été suspendus grâce à la mobilisation citoyenne, à celle des écologistes et des autochtones.
Tel que l’écrit Susan George dans son essai Leur crise, nos solutions : « Pourrions-nous, s’il-vous-plait cesser de parler des « générations futures ? Avec les changements du climat, nous parlons de notre propre génération, ici et maintenant. Nous devrions d’ailleurs cesser de parler. Il faut hurler, jusqu’à présent, les dirigeants ne nous ont pas entendus. »
Pour la suite de la résistance à la construction du port pétrolier de Cacouna, suivez les activités du groupe Stopoléoduc, Capitale-Nationale.
26 octobre : manifestation à Sorel-Tracy contre les sables bitumineux à 13 heures.
À lire, l’excellent numéro d’octobre-novembre de la revue À Babord, Changements climatiques, l’urgence d’agir!