Par Gilles Simard
« C’est un crime moral que de permettre à TransCanada de construire son oléoduc le long d’un fleuve aussi beau et aussi fragile que le Saint-Laurent, » s’exclamait récemment le bédéiste-infographiste Bertrand Dugas, à l’occasion du lancement de sa BD pour enfants, à l’Espace galerie Sherpa, en Basse-ville de Québec. Intitulé Éloi et Éloïse dans Luca le béluga, l’ouvrage, qui se situe entre le conte, le roman graphique et la bande dessinée, vise à rejoindre les enfants et leurs parents afin de les sensibiliser aux dangers de l’impact humain sur l’écosystème marin du Québec.
Constitué de dizaines de planches d’aquarelle et d’un texte facilement accessible, il met en scène deux jeunes enfants à qui Luca, un sympathique béluga, dévoile son quotidien des plus incertains au fil de leurs jeux. « Le béluga est un mammifère marin unique, spécifique au Québec dont la petite population d’à peu près mille individus va sans cesse déclinant, lance Dugas qui se définit lui-même comme un écologiste pragmatique. Et là, on a le trio fantoche Heurtel-Couillard-Arcand, vendu aux intérêts des pétrolières de l’Ouest, qui donne bassement son aval pour qu’on vienne foutre le bordel dans la pouponnière des bélugas ? Franchement, ça n’a pas de maudit bon sens. On ne peut pas laisser passer ça ! », vocifère l’auteur qui aura mis trois mois à réaliser l’album, le troisième de sa carrière.
« En fait, de préciser le bédéiste, il y a déjà longtemps que je voulais parler du fleuve St-Laurent qui est l’une de nos plus belles richesses naturelles, mais dont l’état de santé est très précaire à cause de l’achalandage commercial et humain. Si j’avais parlé de la baisse des stocks de morue, ça n’aurait pas été la même chose… Mais là, avec Cacouna, les bélugas, et le fait qu’on construit une jetée directement dans leur habitat, il y aura peut-être un mouvement de masse irréversible », conclut avec espoir l’auteur des aventures de Brian Tofu. Bertrand Dugas, dont c’est la troisième oeuvre éditée par les Éd. La Grande Marée, planche actuellement sur un troisième tome des aventures de Brian Tofu, son personnage fétiche. À noter qu’une partie des profits de Luca le béluga devrait aller au Gremm (Groupe de recherches et d’études sur les mammifères marins) dont il a reçu l’appui moral. L’album est en vente (12$) dans toutes les librairies du Québec.
Le projet de port pétrolier de Cacouna menace la survie des bélugas du Saint-Laurent, une population de moins de 1 000 individus qui habitent une portion de
l’estuaire entre l’île du Bic et l’Isle-aux-Coudres. Certaines zones,désignées par la Loi sur les espèces en péril comme l’« espace essentiel» du béluga, sont habitées par les femelles et les jeunes. Or, l’une des zones est située sous les éventuels piliers du port pétrolier de Cacouna. C’est là que TransCanada veut construire une jetée de 700 m, à l’endroit précis où les bélugas s’alimentent au printemps et élèvent leurs jeunes à l’automne.