Par Pierre Mouterde
En ces temps de néolibéralisme débridé, s’il y a bien une leçon que l’on peut tirer de l’actualité, c’est que les luttes que l’on mène doivent être conçues comme des luttes sur le long terme, comme des luttes de longue haleine, exigeant tout à la fois détermination et persévérance. Ainsi en va-t-il du combat mené par Véronique Lalande et son compagnon Louis Duchesne pour en finir avec le cocktail de poussières toxiques se répandant — depuis le port — sur de larges secteurs de la ville de Québec.
Cela fait maintenant un peu plus de 2 ans — le 26 octobre 2012 exactement — qu’ils ont pour la première fois sonné l’alerte et qu’ils ont commencé, comme le dit Véronique Lalande, « à transformer l’indignation en action ». Et malgré un travail collectif acharné, il y a eu jusqu’à présent bien peu de résultats probants en termes de mesures correctrices effectives. Parce que la quantité de poussières potentiellement toxiques en suspension au dessus des quartiers centraux de la ville, elle, n’a pas changé. Et parce que les projets annoncés d’agrandissement du port risquent d’amplifier tous les risques en la matière.
N’y-a-t-il pas déjà chaque année 33 millions de tonnes de produits qui sont transbordés, manutentionnés à l’air libre au port de Québec ? Et ne sait-on pas déjà — de l’aveu même de la commission régionale de la santé — que certaines de ces poussières (comme le nickel) sont non seulement cancérigènes ou potentiellement cancérigènes, mais sont aussi à l’origine d’une foule de problèmes de santé : rhinites, eczéma, asthme, etc.
Ce sont là quelques-uns des arguments qui ont été échangés lors de l’assemblée citoyenne du 16 octobre organisé par le NPD Québec au cours de laquelle prirent successivement la parole, Véronique Lalande, Raymond Côté (député fédéral de la circonscription Beauport-Limoilou) et André Bélisle de l’AQLPA (association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique). Entre 80 et 100 personnes y étaient présentes, et une fois encore on a pu mesurer comment Véronique Lalande et Louis Duchesne n’étaient pas seuls, et comment les préoccupations citoyennes étaient vives à ce sujet, chaque fois plus critiques vis-à-vis de l’incurie des pouvoirs publics, en particulier de la Commission régionale de la santé publique et du maire Labeaume qui, on le sait, après quelque pathétiques rodomontades passées, a pris tout dernièrement fait et cause pour le port et son agrandissement. Et sans la moindre « petite gêne » !
Trois jours plus tard, le 19 octobre, c’était au Port de Québec d’en rajouter, en invitant la population — dans une belle opération de marketing politique — à une journée portes-ouvertes qui devait même être accompagnée d’un concert de Kevin Parent donné dans l’après-midi à l’Agora du Vieux-Port. Manière de fêter avec le public et de montrer, selon Mario Girard, directeur du Port de Québec, que « ce qui doit être fait, est fait actuellement (…) les canons fonctionnent très bien (…) les capteurs de poussière sont en place. On a un centre de contrôle ».
Heureusement, il y a eu le matin même un petit groupe de manifestants pour rappeler publiquement qu’il n’y aura de véritables solutions aux poussières toxiques provenant du port, que si les compagnies portuaires se décident à ne faire que du transbordement à couvert. Initiative Vigilance Port-de-Québec a pu rejoindre à temps Kevin Parent et l’informer du véritable contexte dans lequel il allait chanter. Ce fut en tout cas suffisant pour qu’il annule à la toute dernière minute son spectacle, heureusement!
Peut-être que certains pourront trouver qu’au regard des enjeux soulevés, ces petites victoires citoyennes ne pèsent pas bien lourd dans la balance. Elles mettent néanmoins en évidence que c’est par la détermination et la constance que l’on peut gagner sur le long terme des points décisifs. C’est en tout cas ce que tend à prouver un des derniers jugements de la Cour supérieure. Deux ans presque jour pour jour après l’épisode de poussières rouges du 26 octobre 2012, le recours collectif intenté par Véronique Lalande et Louis Duchesne vient d’être autorisé par le juge Pierre Ouellet.
Bien sûr, il reste encore à aller sur le fond du litige. Et bien sûr, la demande initiale a été étroitement délimitée, fermant pour l’instant la voie à des dommages- intérêts punitifs ainsi qu’à une injonction obligeant le port à éliminer toute émission de poussières. Il n’en demeure pas moins que c’est là un pas décisif. La porte est enfin entrouverte : le port et la compagnie Arrimage Québec auront désormais des comptes à rendre devant la justice. Et cela, ne le doit-on pas aux inlassables et persévérants efforts de la lutte citoyenne ?
Recours collectif autorisé : inscrivez-vous pour être dédommagés !
Si vous vivez dans le périmètre géographique touché par les émissions de poussières rouges (Beauport, Saint Roch, Vieux-Limoilou, Saint-Roch, Saint-Sauveur, Saint-Malo, Maizerets etc.) et si vous avez subi à titre de propriétaire ou de locataire, des nuisances excessives (dégradation ou perte de biens, nettoyage imprévu, inconfort, etc.), vous pourriez avoir droit d’être dédommagés jusqu’à la hauteur de 3 000 $. Pour faciliter la communication entre tous et toutes et donner plus de force à cette démarche collective, inscrivezvous au recours collectif en rejoignant : www.vigilanceportdequebec.com