Le 6 décembre 1989, Marc Lépine, armé d’un fusil, entre à l’école Polytechnique de Montréal. Il dira notamment : « Je hais les féministes » avant de tuer 14 femmes et de se suicider. On trouvera sur lui un tract antiféministe et une liste de femmes connues qu’il aurait aussi voulu assassiner.
Cette année, c’était le 25e triste anniversaire de Polytechnique. On lit dans des commentaires et chroniques autour des évènements que le féminisme n’est plus utile, qu’hier (en 1989 ?) oui, c’était correct, mais qu’aujourd’hui les féministes sont bien trop radicales, et ainsi de suite.
Pas un seul combat féministe n’a fait l’unanimité sociale, ou même féminine, autour de lui. Jamais, à aucun moment de leur histoire les féministes n’ont gagné quoi que ce soit sans avoir à lutter et à se battre pour leurs revendications. À chaque époque, on les a injuriées, on s’est moqué d’elles, on les a réprimées, avec violence. C’est un mouvement qui réclame l’égalité. Tant qu’il n’y a pas d’égalité véritable, le féminisme n’a pas gagné.
Ce n’est pas parce que les femmes ont obtenu des droits hier et avant-hier, et que ces acquis sont devenus des évidences (droit de vote, par exemple), qu’ici, au Québec du moins, ces combats ne sont plus à faire, que ça signifie que le féminisme est dépassé aujourd’hui.
Oui, certes, les femmes (au Canada) peuvent aujourd’hui voter, étudier, travailler hors du foyer, ouvrir un compte en banque. Elles peuvent même se séparer ou ne pas se marier du tout. Cette « égalité » reste bien théorique tant que persistent les discriminations, l’austérité qui frappera plus durement les femmes, les inégalités sociales et économiques, les femmes autochtones disparues dans l’indifférence, la marchandisation des femmes et des filles, la culture du viol. On a pu voir en novembre cette année un large mouvement surgir sur les réseaux sociaux, en marge des plaintes d’agressions sexuelles contre la vedette de CBC, Jian Ghomeshi. De nombreuses femmes se sont liées entre elles grâce à un mot de ras-le-bol et ont rompu le silence, ensemble, en solidarité, révélant tout un monde sombre de violence et d’abus contre les femmes et les filles.
Le ressac ne s’est pas fait attendre, tendant à minimiser le mouvement lui-même, sa portée sociale et politique, tout comme il y a 25 ans, les antiféministes ont tout fait pour faire taire les femmes, au lendemain de Polytechnique, en appelant à la pudeur et à la retenue. Devant la prise de parole collective des femmes dans l’espace public, ils sont là à prétendre que le but du féminisme est d’inverser le rapport de force et d’à leur tour dominer les hommes. De fait, en disant cela, les antiféministes reconnaissent que l’inégalité existe, mais que veulent-ils donc? Perpétuer, encore et encore, leur domination sur les femmes. Mais le féminisme c’est tout le contraire, c’est un combat pour l’égalité entre les femmes et les hommes, partant, c’est une lutte contre toutes les inégalités. Posons un peu le problème autrement : avons-nous vraiment la possibilité de baisser les bras ? Pouvons-nous cesser de lutter pour un monde plus juste ?
Merci Lynda, très bien dit.