Par Lynda Forgues
Non, il ne s’agit pas d’un autre petit livre rouge issu d’un printemps d’il y a deux ans et demi. Même si l’auteure-personnage Anne Archet crie Fuck the police et propose d’embrasser les désordres.
Le Carnet écarlate c’est avant tout une délicate mixture de dialogues, de réflexions, de récits et de fantasmes couchés sur le papier. Une littérature de douceur, de douleur et de turpitude, et c’est bien la langue qui tient ici le rôle dominant.
Il arrive que des auteurs utilisent la métaphore de la naissance, pour exprimer le difficile enfantement de l’œuvre. Pour sa part, Anne Archet, l’auteure mystère qui sévit sur le web depuis déjà quelques années, nous convie à la bousculade lubrique, au plaisir de l’écriture et à son tourment, acte de chair et de repos, de petites trahisons et d’abandon, de soumission nécessaire et de grande générosité.
Elle écrit : « Je suis fatiguée de me battre avec les mots, avec cette jouissance indicible que tu me prodigues nonchalamment, comme si ce n’était rien, presque distraitement, comme si c’était tout naturel. Jamais je n’arriverai à te faire comprendre, à te faire ressentir ce que je ressens par ma parole. »
Au tu, au je, au nous, au elle, dans son recueil de fragments érotiques lesbiens, Anne Archet joue sur les corps devenus décors, décrits en d’insus détails. Historiettes, souvenirs et retours, on ne fait pas dans le licencieux sans l’appel aux sens de la lectrice, ou du lecteur. Quoique les superbes dessins de Mélanie Baillairgé émaillant le Carnet écarlate écartèlent l’attention, la font dévier des multiples prénoms féminins qui abondent et déboulent, de Alexie à Zoé, ce sont les images formées à partir des mots d’Anne Archet qui nous emportent dans la chevauchée.
Les lieux et paysages sont très divers, ordinaires ou revisités, et c’est d’abord par la vue, même quand on baise les yeux bandés, que le plaisir s’amorce. Univers coloré, texturé, parfumé jusqu’à l’intimité, chaleur, moiteur ou glace, tout se goûte et c’est ainsi qu’on peut tomber, surprise, sur Josée di Stasio ou sur un biscuit Oreo.
Un petit plaisir de plus, on peut prendre le carnet par n’importe quel bout, le recommencer à partir du nombril, le feuilleter des orteils jusqu’aux yeux, et vice-versa. Le livre est disponible chez les libraires indépendants de Québec comme La Page noire et La Librairie Pantoute. Il n’est pas disponible chez Renaud-Bray…