Par Michaël Lessard – Média reseauforum.org
Le journaliste Philippe Teisceira-Lessard, du journal La Presse, nous informait fin décembre 2014, qu’un couple, dont une femme handicapée, doit rembourser 25 738 $ pour 10 années de mendicité, parce qu’il recevait une prestation d’aide sociale [l’article].
Quand vous donnez un peu d’argent à une personne sur la rue ou dans le métro, vous le savez qu’elle reçoit peut-être une prestation sociale, mais on présume qu’elle a faim et n’arrive pas à payer ses factures. Il faut savoir que les prestations du couple auraient été coupées même s’ils déclaraient les dons reçus. Cela revient à interdire les dons de mendicité aux personnes qui reçoivent de telles prestations. Dans le cas présent, les dons de mendicité ont été jugés excédentaires à 100 % pour l’ensemble de 10 années de prestations. Pourtant, les couples ont droit de 100 $ à 300 $ de revenus de travail par mois [Prestations 2015 d’Aide sociale et de Solidarité sociale: document PDF officiel].
Les « revenus » de la mendicité sont donc pénalisés de manière discriminatoire et dommageable en comparaison aux revenus de travail.
Dans les règlements de l’aide sociale, il y a quelques exceptions humanitaires. On peut faire des dons matériels ou de services si c’est vraiment gratuit [le règlement]. Nul n’est tenu à la pauvreté extrême ni au suicide en vertu d’un principe conformiste selon lequel il faudrait respecter les lois ou les règlements en toutes circonstances : les êtres humains ont le droit fondamental à la vie. Le fait que la loi sur l’aide sociale nomme peu d’exceptions humanitaires ne signifie pas que les juges ne doivent pas considérer les autres droits et les incohérences.
Une telle décision brutale et linéaire est chose commune si on regarde les autres jugements du Tribunal administratif du Québec. On y voit des couples qui doivent payer plus de 100 000 $ pour ne pas avoir déclaré être un couple. Des mères de famille devant rembourser les pensions alimentaires vu que celles-ci sont considérées comme un revenu, même si ce calcul est un spécial discriminatoire appliqué seulement aux mères pauvres. Les juges ne font pas les lois, mais ils ont le droit de moduler les sentences. Quand des juges rendent une sentence ou une décision, il existe aussi le principe d’assurer la confiance du public envers le système judiciaire.
[Ce jugement est disponible en ligne ici]Si les dons matériels et les revenus de travail sont permis, il est abject de pénaliser la mendicité. De plus, les personnes concernées ne peuvent pas choisir des travaux communautaires ni refuser de payer : le gouvernement se rembourse directement à même les prestations d’aide sociale. Je vais me contenter de proposer des mesures urgentes que le gouvernement actuel pourrait trouver acceptables. Premièrement, ne pas discriminer les sources de revenus pour le montant supplémentaire permis. Deuxièmement, une solution pratique est d’ignorer les petits dons de mendicité sur la rue. Il est irréaliste, voire un peu déconnecté, de demander à des personnes mendiantes de déclarer ces dons. Avec un petit effort d’empathie, on comprend qu’il va de soi que les personnes mendiantes ne vont jamais les déclarer…
Il s’agit de défendre des droits humains et le «contrat social» à l’encontre de règlements injustes. Quand les besoins vitaux sont menacés (abris, nourriture, santé, etc.), notre droit à l’entraide humanitaire a un statut supérieur aux règlements de l’aide sociale. Actuellement, le gouvernement Couillard propose d’empirer la situation. Face à de tels règlements discriminatoires et violents, il faut faire preuve de courage et s’opposer aux vendus qui nous dirigent.