par Lynda Forgues
Le 3 mars dernier, par un froid glacial, une quarantaine de personnes ont répondu à l’appel du Comité du 3 septembre qui nous invitait sur le parvis afin de souligner les six mois du décès de Guy Blouin.
Dans son communiqué, le Comité soulignait les circonstances troublantes de ce drame, ses doutes sur le processus d’enquête en cours ainsi que le bris du lien de confiance entre la population et les policiers.
Guy Blouin a été écrasé sous les roues d’une autopatrouille du Service de police de la Ville de Québec, le 3 septembre 2014. Plusieurs personnes étaient présentes lors du drame, car cela s’est produit sur la petite rue Saint-François, à proximité du parvis de l’église Saint-Roch, un lieu de rassemblement dans le quartier.
La Sûreté du Québec a terminé son «enquête» sur cette mort tragique, le 5 février dernier. Non seulement la police fait enquête sur la police, mais on fait ça entre amis, méthode décriée depuis longtemps, même à l’Assemblée nationale, comme le souligne le Comité du 3 septembre qui réclame la tenue d’une enquête indépendante et transparente. Mais voyons un peu comment la police de Québec et le pouvoir municipal ont transformé ce processus en véritable opération de relations publiques.
Quand le maire Labeaume a lancé : «On n’est pas à Ferguson, ici !», au lendemain de la manifestation de colère du 5 septembre, voulait-il dire qu’à Québec, contrairement à Ferguson, les agissements policiers auraient des conséquences, que ce ne serait pas l’impunité policière qui prévaudrait ? On peut en douter. Le Directeur des poursuites criminelles et pénales a reçu le dossier d’enquête de la SQ le 5 février, et rendra sa décision d’ici quelques semaines ou quelques mois, quant à savoir s’il y a lieu de poursuivre au criminel, ou même au pénal, les policiers impliqués dans la mort de Guy Blouin. Selon l’historique de faits semblables, nous pouvons déjà avoir une idée des résultats : conclura-t-on encore à un malheureux accident ?
Le 5 septembre, Le Soleil publiait un petit hommage-enquête du journaliste Mathieu Boivin qui, grâce à ses « sources » (anonymes mais gageons qu’elles sont policières), nous présentait les deux policiers impliqués dans l’affaire. Sous sa plume, voilà que ces deux policiers, qu’il était le seul à connaitre, auraient eu une carrière sans tache, et que l’un des deux aurait même déjà «été honoré pour avoir sauvé, alors qu’il était en service, la vie d’un citoyen». C’est quand même le rôle des policiers de protéger la vie des gens, et non au contraire, de la mettre en danger. C’est d’autant plus grave de voir des policiers utiliser une voiture comme des personnages de film d’action, afin d’intercepter quelqu’un qui part à vélo, au risque de le blesser gravement et même de le tuer.
À mi-octobre, alors que l’«enquête» battait son plein à la SQ, et cela avant même que les enquêteurs aient parlé publiquement, le chef du SPVQ, Michel Desgagné, le patron des policiers impliqués dans l’événement, s’en est mêlé et a déclaré que c’était un accident déplorable, ce qui fut repris dans tous les médias. Deux jours plus tard, le Soleil titrait : «Cycliste écrasé par une autopatrouille : les freins défectueux». Voilà que la SQ confirmait la version du chef du SPVQ !
Dans cet article, on apprenait que, parmi l’ensemble des facteurs possibles, le seul retenu pour fins d’examen, a été cette supposée défectuosité des freins ABS de l’autopatrouille. Or, sans le choix initial du conducteur de reculer à toute vitesse son véhicule vers Guy Blouin, alors qu’il n’y avait aucune urgence, il n’aurait pu y avoir mort d’homme. Nous avons aussi appris, du même souffle, que le policier cascadeur était promu enquêteur au SPVQ… façon de nous dire à quel point il était apprécié de ses patrons.
Cette manière de faire des médias, de relayer les versions policières sans les questionner, contribue certainement à répandre ce que le Comité du 3 septembre appelle : «le cynisme, le doute et la colère» au sein de la population. Les forces policières croient sans doute rassurer la population mais c’est tout le contraire qui se produit. Nous ne sommes pas dupes.