Par Malcolm Reid
Johanne Normand vient d’une famille de cinq enfants, la famille d’un aubergiste de Lac-Beauport. « Toute mon enfance j’ai couru les bois et les collines autour de chez nous, dit-elle, mon amour de la nature vient de là. »
Quand, à l’école secondaire, elle percevait sa salle de classe comme une prison, et qu’elle voulait être une artiste, sa mère n’a pas trop compris. Mais elle lui avait toujours donné des crayons, elle avait encouragé sa créativité. Alors peut-être que la mère a été pour quelque chose dans le choix de la fille. Johanne a vagabondé au Vermont et en République dominicaine, et quand elle est revenue au Québec, et à Québec, c’était dans un coin qui s’appelle Saint-Jean-Baptiste. Son frère, Érico Normand, avait colonisé ce quartier avec sa fine chocolaterie. Johanne l’a aidé en peignant des plantations de cacao pour décorer les vitrines.
«J’ai continué là-dedans, et maintenant j’ai cinq ou six commerces qui aiment avoir mes œuvres dans leurs vitrines.»
Dont le CRAC!
Ce petit supermarché du biologique a commencé comme une coopérative, juste en bas de mon appartement. L’épicerie coop aimait faire goûter ses muffins en les offrant à notre petite fille. L’épicerie est devenue une entreprise privée, mais est restée non-conformiste.
Et Johanne a osé leur proposer une vitrine philosophique, engagée. Elle a photocopié une photo d’Edward Curtis, Piegan Chief. Elle l’a agrandie beaucoup. Et elle l’a entourée d’un fond bleu-ciel, et d’une bordure de plumes d’aigle. C’était un hommage à la sagesse amérindienne, et par la bande, à la terre.
« Car moi je crois beaucoup à la terre, dit Johanne. La terre, on l’a fait souffrir… on a besoin d’apprendre à la soigner. Et le féminin, on le fait souffrir aussi, non? Souvent dans les mêmes pays où on a le culte de la Terre-Mère. J’ai hâte à l’époque de la réconciliation. Alors oui, j’ai commencé avec le Piegan Chief, figure de la masculinité. Et maintenant je suis dans la figure féminine du monde. Ma prochaine vitrine engagée, je l’installe à la Lunetterie du Faubourg, à temps pour la Marche pour le Climat, le 11 avril. Je travaille fort ces jours-ci! C’est une déesse encore, une déesse de l’eau, cette fois-ci. »
Ce sera difficile de surpasser la Pacha Mama, qui est assise dans sa vitrine depuis un an.
« J’ai deux enfants, dit Johanne, et quand je travaillais à la Pacha Mama, au printemps 2014, ma fille a mis un bébé au monde. Oui! Ça m’a inspirée, tu comprends. » Et là elle me surprend. Elle s’enorgueillit, un petit sourire aux lèvres : «Et je suis encore fertile, hein?»