Par Marc Boutin
Il était paradoxal, samedi 11 avril, de voir la ville de Québec servir de terre d’accueil aux 25 000 personnes venues manifester pour des énergies vertes et renouvelables et contre les oléoducs. La capitale de la radiopoubelle et de la réaction politique a servi de décor au rassemblement le plus coloré et le plus avant-gardiste des dernières années au Québec. L’ambiance rappelait celle de Cacouna mais en plus grandiose.
Le paradoxe vient en partie du fait que la ville hôte de cette manifestation est la championne nationale de l’étalement urbain et du tout-à-l’automobile. Son maire, toujours à l’avant-dernière mode selon son habitude, n’en a que pour le type de transport le plus polluant et le plus propice à produire de la très onéreuse dispersion urbaine. Sa dernière trouvaille, un tour de 65 étages qui serait construite à 10 km du centre-ville. Le problème avec son Phare, c’est qu’à tout
gratte-ciel correspond une ou plusieurs banlieues-dortoirs et ce gratte-ciel va inévitablement intensifier l’étalement vers l’ouest. On peut s’attendre à voir un développement mangeur d’espace, de type auto-boulo-dodo, atteindre Saint-Antoine-de-Tilly, Neuville et Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier. Québec, avec sa maigre population de 750 000 habitants, deviendrait une espèce de mégapole allongée à basse densité de plus de 100 km. Un territoire de prédilection
pour la pollution spatiale et atmosphérique.
Autre trouvaille récente («avec pas de» consultation préalable) de notre bon maire: un service d’autobus rapide qui emprunte les boulevards et les autoroutes sur une longueur de plus de trente-cinq kilomètres, de Beauport à Lévis, en passant par le «Phare de l’étalement» et les ponts. C’est pas avec un transport en commun aussi élastique (et non-électrique) qu’on va pouvoir resserrer le développement de l’agglomération.
La contrepartie de ces extravagances «pétrolifèrantes» de l’équipe Labeaume se vit au centre-ville. Nos rues commerciales et plusieurs de nos rues résidentielles sont des pistes de courses pour chauffards et banlieusards en mal de retourner au plus vite à l’étable. Les piétons deviennent aux yeux des automobilistes toujours pressés des quantités négligeables, des espèces d’insectes nuisibles qui osent traverser les rues.
Dans une ville civilisée, proprement urbaine, les rues commerciales de quartier comme les rues Saint-Jean dans le Faubourg du même nom, Saint-Vallier dans Saint-Sauveur et Saint-Joseph dans Saint-Roch auraient une limite de vitesse de 30 km/h, des dos d’âne comme on en trouve en banlieue, des trottoirs élargis et protégés de la rue par du mobilier urbain (lampadaires, arbres, bancs, etc), des vidéos caméras pour calmer les chauffards. La ville centrale, et par osmose
toute la ville, pourrait redevenir un lieu prospère, viable, agréable, moins pollué, moins bruyant et, pourquoi pas, politiquement un peu moins réactionnaire.
C’est la grâce que nous ont souhaitée les 25 000 participants, la plupart venus de l’extérieur, lors de ce beau samedi festif du 11 avril dans les rues du Vieux Québec.