Un phare sur ma route : un livre des plus éclairants sur la maladie mentale

Publié le 15 mai 2015
au lancement du livre à Sherpa, Fabienne, conjointe de Richard Langlois..
au lancement du livre à Sherpa, Fabienne, conjointe de Richard Langlois..

par Gilles Simard
Le titre du troisième livre de Richard Langlois, auteur-conférencier et agent de liaison à l’Agir en santé mentale, peut certes paraître un peu convenu et traditionnel. N’empêche, ce bouquin écrit en partie à quatre mains (avec sa conjointe Fabienne) et enrichi des nombreux témoignages de leurs enfants, est tout sauf «ordinaire» et conventionnel.
De fait, outre de nous permettre de bien saisir les multiples nuances et composantes de la bipolarité, ce trouble de l’humeur que l’auteur a su à apprivoiser au fil des ans, l’ouvrage a le grand mérite de nous surprendre et de nous questionner, tant sur nos pratiques en matière de langage propre à la santé mentale que sur les paradigmes en vogue au regard du « rétablissement ». Un mot galvaudé s’il en est, une notion charriée à hue et à dia, selon les intérêts et les besoins du moment.

 

De Québec à Moncton, sur la route des signes

Dès le premier chapitre, l’auteur nous ramène à l’époque (1996-97) où fraîchement divorcé, la mitrentaine et entièrement dédié à son travail de représentant, il connaît son premier grave épisode de bipolarité. Un sérieux épisode de manie, précédé de toutes sortes de symptômes avant-coureurs, qui le feront plonger dans une forme de délire mystique le conduisant de Québec à Moncton, sur une route jalonnée de symboles numériques, ésotériques et religieux. Tout cela, bien sûr, devant paver la voie à l’arrivée d’un nouveau Messie au Nouveau-Brunswick, en l’occurrence lui-même. Comme de juste, la psychose se soldera par un retour à Québec, l’hospitalisation, le diagnostic, une médication et des soins appropriés et une bonne période de remise en forme et en question de l’auteur.

Richard et Fabienne en duo

Plus tard, la vie amènera notre homme à l’Île-aux-Grues où il rencontrera Fabienne, son actuelle conjointe avec qui, selon ses dires, il est en amour comme au premier jour depuis plus de vingt ans. Évidemment, tout ce qui précède, toute cette longue tranche de vie, Richard l’avait déjà racontée en long et en large dans Le fragile équilibre, en 2004.
Mais, et c’est là tout l’intérêt du deuxième chapitre, nous avons ensuite droit aux témoignages croisés des deux protagonistes, alors que Fabienne et Richard reviennent sur un autre épisode douloureux vécu par l’auteur, en 2008, soit dix ans après le premier, à la veille du lancement d’un deuxième livre, Ces maux qui dérangent. En réalité, ce lancement, Richard Langlois le vivra de sa chambre de l’hôpital St-Sacrement, tandis que Fabienne, les parents et les nombreux amis célébreront sans lui. Une anecdote que l’auteur relate toujours avec humour dans ses multiples conférences à travers la province.
Ici, grâce à l’originalité du procédé, nous pouvons saisir en direct toute la force de l’émotion qui réside dans l’inquiétude, l’angoisse et la détresse de Fabienne (quand Richard retombe en psychose) et leur immense soulagement, quand il en émerge pour une seconde fois. De plus, les témoignages des enfants (Louis, Évelyne et Pascal) confèrent à cet ensemble une touche d’un réalisme attendrissant.

Réapprendre à dire les mots

En deuxième partie de ce livre à l’écriture nerveuse et fluide, l’auteur, qui aime bien jouer avec les mots, n’hésite pas à exposer les composantes de sa propre définition du rétablissement, et ce à partir des trois mots établi, semence et ré, issus d’une judicieuse décomposition du terme rétablissement. De même, grâce à des exemples concrets d’ici comme d’ailleurs, en Italie ou au Brésil, il nous convie à une réflexion collective à partir des notions de sensibilisation, de prévention et de stigmatisation entourant la maladie mentale.
Ce que je retiens du livre « Un phare sur ma route », c’est le grand humanisme de son auteur, son amour de la vie, son humour pince-sans-rire, l’originalité de sa pensée et son profond respect de l’autre, quelle que soit son allégeance sociale ou politique.
Qui plus est, grâce à ce livre, j’aurais volontiers le goût, je l’avoue, d’aller me ressourcer du côté des Dr Massirili (Italie) et Barreto (Brésil), histoire d’enrichir mes propres composantes du « rétablissement ».
Autrement, le livre de Richard Langlois n’est pas exempt de petits défauts qui à la longue peuvent devenir irritants pour le lecteur. Je pense notamment aux lieux communs, à la profusion de détails et à la répétition de certains états d’âme. N’empêche, Un phare sur ma route  est un fort bon livre et vaut certainement la peine qu’on s’y arrête un instant.LIVRE PHARE

 

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