Il ne me sert à rien de vous cacher mon amour du baseball. Tôt ou tard, je donnerais à titre d’exemple l’impressionnante moyenne de présence sur les buts en carrière de Ted Williams (.482), afin de rehausser mon propos et cela en viendrait à me trahir. Je ne m’entêterai pas non plus à vous convaincre des attraits de ce sport plate. Car je compatis tout à fait à votre incommensurable ennui lorsque, dans quelque salle d’attente, vous vous résignez à regarder un match pendant vingt minutes sur la télé à gros câble. En vérité, je vous le dis, pour aimer le baseball, il est conseillé de ne pas écouter de joutes à la télévision (l’été est arrivé, je vous conseille plutôt d’aller jouer dehors). Il est de loin préférable de se les imaginer, de suivre les statistiques dans le journal du lendemain et d’être à l’affût des sites de faits saillants sur le web. C’est amplement suffisant. Cependant, aller au Stade municipal, deux ou trois fois par année, est un peu un devoir que tout bon amateur de baseball se doit d’accomplir pour mettre de la chair autour de l’os (et profiter de l’été parce que, quand même, ça se passe dehors).
Aller au stade serait également la meilleure façon pour vous d’approcher le baseball (si je vous vouvoie, ce n’est pas tant par politesse que parce que je sais que vous êtes nombreux à n’en avoir rien à cirer). Quelques mises en garde sont cependant à considérer afin de ne point vous effaroucher. À un certain moment, il sera question d’une pizza à gagner pour la section des estrades qui crie le plus fort et il se peut que le sort vous ait fait vous asseoir aux abords de ladite section. Ça surprend un peu, mais si le coeur vous en dit, criez vous aussi et l’on vous octroiera peut-être une pointe. Deuxièmement, comme en bien d’autres circonstances de la vie moderne, la musique de style Radio Énergie sera au rendez-vous, excepté lors de la pause de la 7e manche où Sweet Caroline sera entonnée en choeur par l’assemblée. Les vieux bonshommes, fins renards, ont su parer à ces désagréments en se munissant d’oreillettes grâce auxquelles ils peuvent à leur guise écouter quelque concerto brandebourgeois. Enfin, lorsqu’une fausse balle est frappée si fort qu’elle disparaît par-dessus le toit du stade, on entend une vitre qui casse et un « bip-bip » d’avertisseur automobile : ne craignez pas pour votre véhicule, il s’agit d’une blague concoctée par les gens chargés d’agrémenter votre soirée.
Le baseball est lent. Il se déguste un hot-dog à la main, comme une crème glacée qui fond petit à petit. Il se médite, avec des amis à ses côtés, tel ce coucher de soleil par-dessus la clôture du champ droit. Il se partage dans une chronique d’un journal communautaire, un peu comme ce high-five donné par la mascotte à ce jeune partisan de quatre ans. Je me rends compte, en ce moment, que vous êtes dans la lune. C’est plus fort que vous, dès qu’il est question de baseball, vous pensez à autre chose. Ne vous en faites pas, les joueurs sur le banc aussi pensent à autre chose. D’ailleurs, ceux-ci s’échangent, à en juger par leurs mimiques, une recette de cuisine.