Arrêter Harper, oui, mais comment ?

Publié le 19 septembre 2015

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Par Pierre Mouterde

Quand on cherche, comme à Droit de parole, à défendre les intérêts des habitants des quartiers populaires, il n’est pas difficile de savoir ce qu’il faudrait faire lors des élections fédérales de 2015. Il faudrait « arrêter Harper », faire tout pour qu’il ne dirige plus le prochain gouvernement du Canada. Il faudrait donc ne pas voter pour les candidats conservateurs. Les dix ans passés sous sa gouverne nous ont déjà suffisamment montré de quoi il était capable. Et chacun se souviendra d’au moins quelques-uns des items de la longue liste des mesures conservatrices et néolibérales aux effets dramatiques pour les plus démunis : obsession du déficit zéro et coupures subséquentes dans la fonction publique fédérale et dans le financement de divers groupes populaires, de femmes et de solidarité internationale; détournement de la mission de Postes Canada; lois mammouths s’attaquant subrepticement aux revendications écologistes et autochtones; renforcement de lois sécuritaires, liberticides et répressives (C51); soutien aux politiques extractivistes de l’Ouest et marginalisation du Québec; changement du cours de la traditionnelle politique internationale du Canada en désertant l’ONU, en soutenant inconditionnellement Israël, etc.

Voter pour qui ?

Il faudrait donc pouvoir « arrêter Harper », ne pas voter pour lui. Mais la question n’en est pas pour autant réglée, car il s’agit de savoir comment ? Et surtout en votant pour qui ? Et là, tout se complique. Certes, en cette période de cynisme et de désorientation générale, on serait peutêtre tenté de ne pas aller voter. Mais tout montre qu’il y a la possibilité concrète — malgré les formidables moyens dont ils disposent — de se débarrasser de ces empêcheurs de tourner en rond conservateurs, apparemment en baisse sensible dans les sondages. Et donc, il nous faut saisir cette chance, chaque bulletin déposé dans l’urne finissant par compter. Mais le problème n’en est pas pour autant résolu : pour qui voter ? Et là, il faut bien le dire, dans le contexte du scrutin uninominal à un tour auquel nous sommes condamnés, aucun postulant n’est entièrement satisfaisant. Certes, Thomas Mulcair du NPD caracole encore en tête des sondages, et il pourrait paraître, avec son a priori social-démocrate, comme l’alternative possible, l’occasion de revenir à un autre Canada, plus inclusif, plus respectueux des différences, etc. Mais son obsession à vouloir préserver le déficit zéro à tout prix le montre bien : le NPD s’est « néolibéralisé » sous l’égide d’un chef ne provenant d’aucune tradition de gauche. Et le repositionnement de son parti vers le centre politique s’accompagne non seulement de positions frileuses vis-à-vis de l’environnement, mais encore d’un a priori fédéraliste très clair face aux volontés de souveraineté ou d’indépendance des Québécois. Rien donc de complètement satisfaisant. On pourrait alors penser se tourner vers le Bloc de Gilles Duceppe qui, justement, veut faire du Québec un pays et appelle tout un chacun à « prendre parti ». Mais là encore, ses alliances et embrassades que trop visibles avec Pierre Karl Péladeau — le nouveau chef du PQ — le montrent bien : au-delà de toutes les promesses qu’il peut faire, il reste fondamentalement lié aux stratégies actuelles du PQ, et donc à toutes ses tergiversations et frilosités, ses politiques les plus récentes, elles aussi néolibérales. Souvenez-vous : les coupes dans les programmes pour les assistés sociaux, la promotion du pétrole à Anticosti, etc. D’autres. alors en désespoir de cause. iraient peut-être voir du côté de Justin Trudeau. Malgré ces côtés bellâtres et inconsistants. et ses nombreuses bourdes passées, n’a-t-il pas osé braver un des dogmes néolibéraux les plus tabous en affirmant qu’on pouvait faire des déficits si c’était pour relancer une économie récessive et créer de nouveaux emplois ? Mais en même temps, on ne peut oublier ses positions si incertaines et toujours mièvres, « ni chair ni poisson » (en particulier vis-à-vis de la loi C51), expression de cette incapacité à oser sortir des consensus mous qu’affectionnent bien des élites ainsi qu’à oser affronter, ne serait- que minimalement, les lobbies économiques, financiers et militaires. Il reste bien sûr les verts : mais au-delà même de la marginalité de leur formation, eux aussi tendent à mettre la question sociale de côté, en se disant par prudence comme l’a fait, lors de son passage à Québec, Élizabeth May, « ni de gauche, ni de droite ». Décevante donc, elle aussi!

Que faire alors ?

Alors que faire ? Peut-être faut-il faire contre mauvaise fortune bon coeur, et choisir dans sa circonscription le candidat le mieux placé pour faire chuter Harper, en espérant que ni le NPD, ni les libéraux n’auront cependant suffisamment de votes pour former un gouvernement majoritaire, les obligeant ainsi à pactiser ensemble et à atténuer une partie de leurs travers respectifs. Et puis surtout, surtout… il reste à penser à l’avenir; en travaillant d’ores et déjà à une autre alternative politique qui, à l’échelle du Canada, puisse être, entre autres, vraiment préoccupée d’écologie, clairement affichée à gauche et, qui plus est, favorable à l’indépendance du Québec. Assurément, c’est tout un défi ! Mais n’est-ce pas cependant le seul moyen dont nous disposons pour ne pas être condamnés à éternellement voter pour le moins pire ?

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