Par Lynda Forgues
Le jugement rendu contre l’ex-étudiant en arts visuels David Dulac sera entendu en appel le 30 septembre prochain. Retour sur les événements et sur quelques arguments de son avocate.
David Dulac, alors étudiant, a présenté un court texte de fiction comme projet performatif au comité de sélection de l’expo des finissants de l’École des arts visuels de l’Université Laval, en mars 2013; le directeur, informé de la teneur du texte, a contacté le Service de psychologie de l’Université. Ce service n’a jamais rencontré l‘étudiant.
Contrairement à leur mission, ils ont appelé le service de sécurité de la même université, qui n’est pas une ressource en psychologie. Eux non plus n’ont pas rencontré l’étudiant; ils ont plutôt appelé la police municipale qui s’est empressée de poursuivre David Dulac au criminel. Il sera finalement reconnu coupable de « menaces de causer la mort ou des lésions corporelles à des enfants », en juillet 2013, après avoir été préventivement emprisonné durant pas loin de quatre mois, ce qui est exceptionnel pour des infractions alléguées de cette nature
À l’unanimité, les trois juges de la Cour d’appel du Québec ont accepté l’an dernier d’entendre le recours de David Dulac, qui demande que soit renversé le verdict de culpabilité, maintenu en mars 2014, à la suite duquel il avait été condamné à deux ans de probation avec suivi psychologique. Or, il semble que le service de probation n’a jamais jugé bon de suivre ce jeune homme qui n’a, selon eux, besoin d’aucun soin.
Cette cause est donc apparue suffisamment importante aux yeux des magistrats pour être entendue. Me Véronique Robert, qui avait défendu David Dulac lors de ses procès, est aussi l’avocate qui fera l’appel. Le point sur lequel repose la demande d’en appeler du jugement est que les juges avaient erré contre l’étudiant en arts sur la définition même de l’acte coupable (actus rea) et de l’intention coupable (mens rea), dans cette cause.
Pour simplifier, dans le cas des menaces, il y a acte coupable — au sens de la loi — lorsque les paroles dites ont raison de faire craindre une personne raisonnable. D’après Me Robert, dans le texte de David Dulac, personne n’a réellement craint quoi que ce soit. Le témoin principal de la poursuite, Jocelyn Robert, directeur de l’École des arts visuels, avait peur que son autorité soit mise à mal. L’étudiante responsable de la sélection des œuvres pour l’exposition, pour sa part, jugeait le texte grossier. Bref, ces personnes ont craint tout autre chose que soit fait quelque mal à des enfants. Il n’y avait aucun lien entre les mots écrits par l’étudiant et la crainte éprouvée par les personnes.
Pour ce qui est de l’intention coupable, le but de David Dulac était de critiquer le système de sélection de l’exposition de fin d’année de l’École, et même le juge avait noté dans son jugement ce souci de défier l’autorité comme un élément à charge contre l’accusé. Son intention n’était pas de terroriser ou d’intimider les deux personnes qui ont reçu ce texte. Une professeure qui l’avait lu l’avait trouvé complètement loufoque et ne l’avait pas pris au sérieux. Elle lui avait même attribué une note. David Dulac croyait qu’il en serait de même cette fois-ci. Me Robert considère qu’il y a au moins un doute raisonnable sur les intentions de l’appelant.
Les juges ont-ils surtout voulu condamner en David Dulac le carré rouge de 2012 ? Ont-ils été tentés par une sorte de profilage judiciaire ? C’est une cause à suivre qui sera entendue à la Cour d’appel, au Palais de justice de Québec, au 300, boulevard Jean-Lesage, salle 4.33, le 30 septembre prochain.