Par Marie-Hélène Boucher
Trans Canada souhaite réaliser son projet d’oléoduc Énergie Est, et Enbridge a obtenu la permission d’inverser sa canalisation 9B; elle veut ajouter une autre portion à celle-ci. Ces deux projets ont le même but: permettre le transport du pétrole issu des sables bitumineux de l’Alberta jusqu’aux ports de l’est et raffineries québécoises pour l’exporter dans le monde entier. Le Québec n’obtiendrait aucun avantage à consentir à la construction de nombreux oléoducs que des compagnies veulent faire passer sur le territoire de notre province. Ces projets auraient des conséquences graves du point de vue environnemental et n’apporteraient aucun avantage économique à la population québécoise.
Les affirmations selon lesquelles ces oléoducs, en permettant un meilleur transport du pétrole, se traduiraient par une réduction du prix à la pompe sont fausses, car dès que ce pétrole serait sur le marché international, le prix du baril augmenterait. Ces économies ne favoriseraient que l’industrie pétrolière. Cela ne permettrait pas non plus de créer de nouveaux emplois. En fait, des emplois seraient créés surtout durant la période de construction des oléoducs. Trans Canada affirme que seulement 537 emplois au Québec seraient reliés à la phase d’exploitation d’une durée de 40 ans. Le secteur du pétrole brut est très peu créateur d’emplois. Il ne représente que 0,3% des emplois au Québec, et 0,5% du PIB. De plus, la majorité des retombées économiques seraient toujours pour l’Alberta.
Cependant, un désastre environnemental est davantage à craindre en ce qui concerne la création de ces oléoducs. Enbridge a obtenu le feu vert gouvernemental pour inverser la ligne 9B, qui se rend jusqu’à Montréal, afin de transporter du pétrole issu des sables bitumineux au lieu du pétrole léger conventionnel, ce qui, selon Greenpeace, triplera les émissions de gaz à effet de serre liées au raffinage. De plus, la ligne 9B d’Enbridge et le projet d’oléoduc de Trans Canada ont également été conçus, à l’origine, pour transporter du pétrole conventionnel ainsi que du gaz naturel et non du pétrole issu des sables bitumineux. C’est un gros problème, car ce dernier est encore plus corrosif que le pétrole ordinaire, alors les dangers de déversements sont encore plus importants.
De plus, le pétrole issu des sables bitumineux est aussi plus lourd que le pétrole ordinaire ce qui rend l’opération de décontamination encore plus compliquée si un désastre devait survenir, car le pétrole s’accumule alors dans le lit du cours d’eau au lieu de flotter sur l’eau comme le fait le pétrole conventionnel. De plus, selon Équiterre, l’affirmation selon laquelle il serait plus sécuritaire de transporter le pétrole par pipeline plutôt que par train est fausse, car, aux États-Unis, les quantités de pétrole brut déversées ont été trois fois plus grandes par pipeline que par voie ferroviaire de 2002 à 2012. L’oléoduc Énergie Est de Trans Canada traversera le fleuve Saint-Laurent qui approvisionne environ la moitié de la population québécoise en eau potable. Donc, si un déversement devait survenir les conséquences seraient dramatiques. Par contre, nous avons également à craindre que ce pipeline traverse notre fleuve, car ce cours d’eau cache une faille qui occasionne des tremblements de terre ce qui rend cette entreprise encore plus risquée.
Selon Greenpeace, ce qui est inquiétant, c’est que pas un seul mois ne passe sans que des fuites et des déversements ne soient rapportés concernant des oléoducs appartenant à Trans Canada en Amérique du Nord. Toujours selon cet organisme, le projet d’oléoduc d’Enbridge présente également des risques sérieux : cette compagnie étant bien connue pour avoir été responsable, au cours de la dernière décennie, d’environ 65 déversements par année. Cette compagnie aurait également été reconnue coupable de 24 transgressions aux normes régissant le transport du pétrole dans le cas du déversement désastreux de Kalamazoo au Michigan. Enbridge était au courant des problèmes de corrosion depuis 2004 et n’avait rien réglé quand le désastre s’est produit en 2010. D’ailleurs, elle n’a toujours pas mis en place les pratiques sécuritaires que la Commission américaine sur la sécurité des transports lui a demandé d’instaurer.
Des lieux comme les alentours du port de Québec risquent notamment d’être affectés au niveau environnemental par l’augmentation de l’exportation du pétrole permise par la construction des oléoducs, car un projet d’agrandissement de 500 millions de dollars du port de Québec a été annoncé par l’administration du port, ce qui est considérable. La capacité de stockage pour le vrac liquide sera augmentée et un duc-d’Albe sera construit pour charger en eau profonde des navires à fort tonnage. Le refus de l’administration du port de divulguer des informations claires sur des risques environnementaux possibles est également inquiétant tout comme son désir de cacher certaines informations comme le mode opératoire pour le transbordement et l’entreposage ainsi que la nature et la quantité des produits manutentionnés. La venue de navires à fort tonnage risque donc d’être plus fréquente ce qui fait augmenter le risque de désastre environnemental. Pour ces raisons, il est à craindre que le port de Québec ne devienne une plaque tournante pour l’exportation du pétrole des sables bitumineux.
Par conséquent, lutter contre ces projets d’oléoduc qui ne présentent aucun avantage pour nous tous devient plus qu’impératif. Ne rien faire reviendrait à condamner les générations futures, car nous sommes une des dernières générations à pouvoir faire quelque chose avant qu’il ne soit trop tard.