Par Véronique Garneau Allard

La dernière vue de Robert Morin est intéressante à bien des égards. D’accord, elle critique l’évasion fiscale, mais sa manière de le faire est inoubliable. Grotesque, déstabilisante, dégoûtante, comique, inattendue, absurde, les adjectifs pour la décrire ne manquent pas. Ce qui m’a le plus frappée est l’immoralité du film. On traite d’un sujet immoral (l’évasion fiscale), mais de manière dégoûtante. C’était très surprenant et choquant (et drôle).

Robert Morin n’a pas fait ce film à petit budget pour susciter la pitié. La production a obtenu les bourses qu’elle avait demandées du Conseil des arts du Canada. S’il avait eu plus d’argent, m’a confirmé Robert Morin, il l’aurait réalisé de cette même manière cheapette, avec ses costumes abracadabrants et ses effets spéciaux douteux : une femme court à reculons derrière une voiture qui n’avance pas pour créer l’illusion qu’elle roule; on voit le caméraman se refléter dans un cadre vitré à l’hôtel, où se déroulent de nombreuses scènes.

Mauvais goût et liberté d’expression

Le comédien principal (Stéphane Crête) interprète tous les personnages dans un guide vidéo tourné à l’intention des personnes voulant apprendre comment éviter de payer de l’impôt (ce qui est l’évitement fiscal, légal même si immoral) plutôt que de ne pas en payer du tout (ce qui est de l’évasion fiscale, illégale). Les clins d’œil au racisme (parodie des juifs, des femmes voilées et des musulmans) choquent et déstabilisent. On a l’impression que le cinéaste veut défendre la liberté d’expression à tout prix, ce qu’il m’a confirmé également. Selon Robert Morin, il vaut mieux laisser les gens s’exprimer, quelles que soient leurs opinions, plutôt que de les censurer. « [Au pire], laissons-les se mettre le pied dans la bouche », recommande-t-il. Fondateur de la Coop Vidéo de Montréal, Robert Morin veut mettre sur pied un genre de Netflix pour les vidéos des membres. D’ailleurs, à quand un Netflix du cinéma québécois ? Le film Un paradis pour tous est actuellement en salle à Québec.