Par Nathalie Côté et Lynda Forgues
Le 29 avril, 200 personnes issues des groupes sociaux étaient en grève pour dénoncer les mesures d’austérité du gouvernement Couillard et demander un réinvestissement dans les services publics, répondant ainsi à l’appel de la Coalition Main rouge. Cette journée d’actions et de grève fait suite à celles de l’automne 2015. Chez les groupes communautaires, ceux de services comme de défense de droits, la situation ne s’est guère améliorée depuis.
La journée a débuté au petit matin avec le blocage des portes d’entrée du ministère des Finances. Entre deux manifestations, les gens étaient invités à assister à une conférence d’Alain Deneault sur les paradis fiscaux. Dans une salle bondée, au centre Frédéric Back, il a convaincu encore davantage les manifestants de continuer à dénoncer les mesures d’austérité du gouvernement libéral.
Des chauffeurs de taxi de Québec, du groupe La révolte des taxis contre l’injustice, se sont joints au mouvement pour dénoncer l’entreprise Uber et les paradis fiscaux. Ils se sont alliés au mouvement communautaire et aux étudiants présents pour dire que l’évasion fiscale est une des causes de l’austérité et pour dénoncer la multinationale qui tente d’envahir le marché des taxis au Québec, notamment. Cette alliance momentanée entre les groupes populaires et les chauffeurs de taxi montrent que la question des paradis fiscaux touche tout le monde.
« Les paradis fiscaux existent pour qu’on n’en parle pas », rappelle le philosophe Alain Deneault. Ces pays, il préfère nommer « législations de complaisance », parce qu’elles permettent aux grandes entreprises et aux individus richissimes de contourner la loi de leur pays afin de payer moins d’impôt et d’agir sans entrave.
« Quand le gouvernement nous dit qu’il n’a pas d’argent, c’est à cause des paradis fiscaux », a-t-il martelé pendant sa conférence. Insistant sur le fait que le manque de revenus des États est en lien direct avec l’évasion fiscale. « Il y a 90 paradis fiscaux dans le monde », a-t-il souligné. On connaît la plupart de ces lieux. Ce sont les Bermudes, le Panama, les îles Caïman, le Luxembourg, l’État du Delaware, le Belize, etc.
N’est-ce pas ce qu’ils disent tous ? Comme le disait aussi Philippe Couillard en 2014, lorsque des journalistes ont appris qu’il avait déposé son salaire gagné en Arabie Saoudite dans un compte à l’île Jersey. C’est vrai, tout cela est légal; cela est permis par la loi. Cependant, dans son essai Une escroquerie légalisée, Alain Deneault aborde la question d’un tout autre point de vue. « On cherche à faire croire que la loi est écrite par les dieux », dénonce-t-il.
Ce sont pourtant des humains qui les écrivent, ces lois. Ce sont les banquiers qui deviennent ministres et qui retournent aux conseils d’administration des banques et des grandes corporations. En somme, quand ils sont au gouvernement, ils défendent les intérêts de leur classe sociale.
Au lieu de règlementer l’évasion fiscale, les gouvernements imitent en quelque sorte les paradis fiscaux. Au Canada, « un employé du secteur minier paie plus d’impôts que la minière elle-même », comme nous le rappelle Alain Deneault. Au Canada et au Québec, les entreprises paient de moins en moins d’impôts. Comme le philosophe le relate dans son essai, en pleine période d’austérité, le gouvernement libéral de Couillard a fait diminuer encore le taux d’imposition des entreprises qui est passé de 11,9 % à 11,5 $. Il était de 13 % en 1981.
L’impôt demandé aux entreprises diminue constamment. Au fédéral, il est passé de 38 % qu’il était en 1980 à 15 % aujourd’hui. C’est une des causes du manque de revenus des États qui coupent dans la santé, les services sociaux, l’éducation. Bref, l’austérité s’explique…