En plus des brasseurs de bière, des conférences, des marches et des pétitions, des poètes prennent la parole pour dénoncer le projet de TransCanada avec le spectacle Fuites- les pipelines se couchent à l’est. Le studio de création de la Maison de la littérature accueillait, du 5 au 10 mars, Hélène Matte, écrivaine «québécoise de source», Louis-Karl Picard-Sioui, écrivain Wendat et les deux Acadiens, Dominic Langlois et Jonathan Roy. Leur proposition critique de l’actuel projet de TransCanada devient l’occasion de diverses explorations du langage.
L’approche formelle d’Hélène Matte avec son Ode à l’eau, et ses variations sur les homonymes d’eau, avec des « ho, oh, au, haut », ou bien un inventaire des objets de plastique qui nous entourent, ont donné du rythme à la soirée. Les récits plus intimistes des poètes acadiens et la fougue de Louis-Karl Picard-Sioui sont apparus comme autant de manières de dénoncer le projet, mais aussi de reconnaitre notre dépendance aux hydrocarbures.
Les quatre poètes ont livré un spectacle très efficace, parsemé d’humour, sans faire de morale. Il s’agissait d’ailleurs d’un défi que d’aborder un sujet aussi politique. On n’a pas senti la poésie asservie à une cause, si noble soit-elle, mais plutôt que la cause était au service de la poésie. Le pipeline, le pétrole, le plastique, le tuyau, tout devenait ici matériau pour ce laboratoire poétique.
L’intérêt de ce projet est, sans doute, le travail sur le langage qui rompt avec les discours habituels dénonçant le projet de TransCanada, la contestation devenant une expérience esthétique. Chacun a exploré différents registres de discours : de la lettre d’amour d’un travailleur exilé sur un chantier des sables bitumineux au poème collectif, Offre d’emploi, réalisé avec l’aide d’internautes décrivant les métiers créés par un éventuel pipeline. Ce long texte, les quatre poètes le liront à tour de rôle pour ensuite confondre la longue liste dans une joyeuse cacophonie faisant écho au discours dominant des politiciens et des promoteurs.
Le travail des auteurs témoigne non seulement de la vivacité du mouvement collectif contre la construction du pipeline, dont ils sont une des expressions, mais aussi de notre rapport paradoxal au pétrole, à tous ces produits issus des énergies fossiles qui nous entourent. À la fin du spectacle, ils ont imaginé les utilisations possibles d’un pipeline abandonné, terminant la soirée sur un ton humoristique. Ce spectacle littéraire, qu’on pourrait presque envisager comme de l’activisme poétique, permet d’étendre encore un peu plus la contestation du projet de TransCanada.
Le spectacle sera présenté au Festival de Caraquet en août 2017.