Depuis les années 1980, l’idée de faire d’une partie du bassin Louise un lieu de baignade revient régulièrement dans l’actualité. Avec la préparation d’un documentaire sur le sujet et les élections municipales de l’automne prochain, le projet semble plus actuel et politique que jamais.
« Plusieurs villes ont redonné les bords de mer aux citoyens », rappelle le sociologue Pierre Fraser. Il cite Barcelone et Copenhague, des exemples de réussite. On pourrait ajouter la Ville de Paris qui a fait des plages sur le bord de la Seine, sans qu’il soit cependant possible de s’y baigner. Mais, comme le précise Pierre Fraser : « L’eau du Bassin Louise est exceptionnelle et de bien meilleure qualité ! »
Pierre Fraser réalise actuellement un documentaire sur le bassin Louise qu’il compte terminer à l’automne prochain. Il travaille en collaboration avec Léonce Naud, Noémie Baudet, Michel Beaulieu et Mireille Bonin pour faire connaître les avantages de l’accès public à l’eau au centre-ville.
Celui qui veut faire un film militant, en s’inspirant du travail du cinéaste américain Michaël Moore, a lancé récemment une campagne de socio-financement pour réaliser son documentaire. Il invite les gens qui veulent le soutenir à faire un don sur le site « Photo-societe.com ». Pierre Fraser veut, par ce film, faire connaître à un large public cet espace exceptionnel au cœur de la ville de Québec.
Le bassin Louise est un lieu stratégique, comme le souligne le géographe Léonce Naud qui défend le projet depuis des décennies. Le géographe est un militant de la première heure de la Société des Gens de Baignade, dont les adeptes se sont lancés à l’eau des dizaines de fois pour revendiquer l’accès public au plan d’eau.
L’espace à la tête du bassin Louise, jadis agora et scène de spectacles, est devenu aujourd’hui un stationnement. Le Port de Québec songe à y construire des immeubles à condos en hauteur, privatisant ainsi le contour du bassin : « Il est en train de se construire un mur tout autour des berges du bassin Louise », dénonce Louis-H. Campagna, de la Société des Gens de Baignade.
Longtemps impliqué au conseil de quartier de Saint-Roch, il voit dans l’accès au bassin une opportunité pour tous les citoyens : « Nous avons la chance, à Québec, d’avoir accès à une eau de qualité. Ce serait un lieu de rencontres de différentes classes sociales. Un endroit pour le développement des commerces de proximité. Pour chaque dollar investi, il y a un retour économique formidable». Afin que le projet puisse voir le jour, Louis-H. Campagna espère une consultation sur l’avenir du bassin.
L’eau du bassin a été échantillonnée à maintes reprises depuis les années 1990 par la Ville de Québec et le ministère de l’Environnement. « Elle est 95 % du temps propre à la baignade», selon le biologiste Michel Beaulieu.
Le lieu convoité par les citoyens est la partie ouest qu’on appelle la tête du bassin, jouxtant la marina. Elle a « la dimension de six piscines olympiques et on y trouve du doré et de l’esturgeon », tel que le souligne le biologiste qui précise que les sédiments se trouvant au fond du bassin ne sont pas problématiques pour la baignade. Des pêcheurs y lancent d’ailleurs leurs lignes régulièrement.
Le bassin Louise est l’ancien lit de la rivière Saint-Charles. Il a failli disparaitre en 1972, alors qu’il a été, en partie, rempli de roc sorti du sol lors des grands chantiers des années 1970, notamment celui du complexe G. Le Port de Québec voulait faire disparaître le bassin à l’époque. Mais des citoyens ont alors alarmé le ministère de l’Environnement et le bassin Louise a été sauvé, comme le relate Michel Beaulieu.
En 1981, une marina y a été installée (pour l’événement Québec 84), mais le projet de faire un lieu de baignade à la tête du bassin n’a jamais été réalisé, malgré les promesses faites par des députés libéraux fédéraux de l’époque.
Depuis, les citoyens et les citoyennes continuent de revendiquer un accès public à ce lieu exceptionnel, propriété de l’État canadien, dont la gestion est sous la responsabilité du Port de Québec.
Ancien président du Comité des citoyens du Vieux-Québec, Jean Rousseau se présente aux prochaines élections municipales comme conseiller du district du Cap-aux-Diamants. Pour ce docteur en chimie, faire d’une partie du bassin Louise un lieu de baignade est tout à fait réalisable : « Le défi n’est pas technique. C’est plutôt un enjeu politique », dit-il d’emblée.
Jean Rousseau dénonce la position de l’administration actuelle sur un accès public au bassin : «Labeaume ne veut pas entendre parler de ça. Il est dans le développement immobilier, de condos, de tours, d’exclusions sociales : avec les riches d’un bord et les pauvres de l’autre. »
Pour Jean Rousseau, « faire une plage dans ce lieu, qui a une des plus belles vues sur le fleuve, serait une vitrine extraordinaire pour les citoyens de Québec et pour le monde entier. » Jean Rousseau espère que la vitalité et l’accès public au bassin Louise sera un enjeu électoral, comme celui de la survie du marché du Vieux Port : « Québec est une ville portuaire, mais on a tendance à l’oublier » conclut-il.