Par Madeleine Bastien, Sarenhes
(Grand arbre)
Membre de la société d’histoire de Sillery
En décembre 2015, j’assiste à une réunion importante pour tous les citoyens du Québec et Québécois de toutes souches… Elle était présentée dans le cadre du Programme particulier d’urbanisme de Sillery (PPU). C’est l’une de ces réunions où les citoyens sont invités à déposer leurs mémoires à la Ville de Québec, et aussi à les présenter verbalement.
Cette réunion se passe au Montmartre canadien. Ces mémoires portent sur«l’orientation du plan de la conservation, de la sauvegarde du territoire, sur sa mise en valeur culturelle, environnementale, par son aménagement harmonieux durable et conscient de l’espace historique, à la permanence de cet héritage dans les meilleures conditions possible au bénéfice des contribuables» tels que décrit par monsieur Marcel Junius, urbaniste émérite et ancien président de la Commission des biens culturels du Québec.
Mais ces citoyens sont-ils tous présents?Moi, qui suis Canadienne d’origine autochtone (Huronne-Wendat), je me demande où est mon représentant, le Chef de Wendake, réserve amérindienne située à quelques kilomètres de Sillery. Où sont les représentants des autres communautés autochtones qui se disent les héritières de la seigneurie de Sillery cédée à «ces nouveaux chrétiens» par le Roi de France en 1651? Certaines autres nations autochtones ont d’ailleurs présenté un mémoire au Conseil du patrimoine culturel du Québec en 2013.
Sans consulter les Premières Nations?
En entrant ce soir-là au Montmartre canadien, un citoyen m’a remis un drapeau pour signifier mon accord ou mon désaccord à ce qui sera mentionné ce soir-là. C’est alors qu’un individu m’a priée de retourner porter ce drapeau à ma voiture… De quel droit?Qui l’avait mandaté pour ce faire? Je n’avais pas rédigé de mémoire.
Toutefois, comme résidente de Québec, je pouvais quand même m’inscrire pour faire des commentaires. Les miens ont porté justement sur l’absence des Amérindiens dans le PPU de Sillery pourtant présents bien avant les Européens. De quel droit peut-on les exclure?Et pourtant ça se passe souvent comme ça lorsque l’on parle de l’histoire du Québec ou du Canada
J’ai assisté à une autre réunion, le 21 décembre 2015, tenue au conseil de Ville de Québec. Nous étions une quinzaine de citoyens représentant les organisations membres de l’Alliance pour la sauvegarde du site patrimonial de Sillery. Lors de ces réunions, les citoyens ont une minute pour s’exprimer, après on est prié d’aller s’asseoir pendant que Monsieur le Maire, ou quelqu’un d’autre, nous répond.
Voici la question que j’ai posée :«Je suis Madeleine Bastien, résidente de Québec, Huronne-Wendat. J’aimerais déposer le mémoire que les Hurons-Wendats ont présenté aux Affaires culturelles en 2013, est-ce que c’est possible? La présidente accepte.
Ce soir-là on s’apprête à adopter le PPU de Sillery. J’ai demandé : «Comment peut-on oublier que nous sommes au cœur de la Seigneurie de Sillery «concédée par le Roi de France en 1651 aux Sauvages chrétiens»? Les Hurons-Wendats sont les seuls encore présents sur le territoire, ils n’ont jamais cédé leurs droits, ils n’ont jamais cessé de se battre pour obtenir justice. Sans leur participation, on va à I’encontre même de la Loi sur le patrimoine culturel, de la jurisprudence en matière autochtone, on fait fi de notre histoire et de nos droits.
Comment peut-on retarder l’adoption du PPU de Sillery et organiser une table de concertation avec ma nation?
Les arguments habituels de la Ville
Mme Julie Lemieux, alors vice-présidente du comité exécutif de la ville de Québec: « Je ne pense pas qu’on va retarder l’adoption du PPU de Sillery Mme la présidente, je vous rappelle que le ministère de la Culture, qui est le grand manitou de la protection du patrimoine au Québec, a donné son accord au PPU qu’on avait déposé, il y a quelques mois, et également aux modifications qu’on lui a demandé de faire en fait sur le projet Sous les bois.»
On s’est assis avec le ministère de la Culture, qui avait déjà donné son aval à ce projet, et il a accepté de travailler avec nous et avec le promoteur pour dégager davantage ce projet du quartier. Et on arrive avec un projet bonifié. Donc le ministère de la Culture est d’accord avec ce projet, j’aimerais le répéter, ils sont derrière nous, ils sont avec nous, ils ont été devant nous pour certains projets comme le projet Sous les bois parce que nous on était peut-être moins à l’aise avec celui-là, mais étant donné que ce sont les grands manitous du patrimoine on a décidé de suivre leurs recommandations en ce sens. (…).
En somme, Julie Lemieux a rappelé les arguments de la Ville, soulignant qu’avec le PPU, la densification Sillery passera à 17,8 logements par hectare à 19,5 et soulignant «qu’on est très loin des densités des quartiers environnants(…). »
Les effets du PPU sur le faubourg Saint-Michel
Qu’est-ce qu’on est en train de faire au quartier Saint-Michel, aux gens qui y vivent et qui en ont respecté l’âme? Qu’en est-il du jardin communautaire qui existe depuis quarante ans et qu’on s’apprête à déplacer? Qu’est-ce qu’on va mettre à la place? Un stationnement?
Qu’en est-il des fouilles archéologiques qui devraient se faire partout sur les falaises de Sillery et ailleurs au Québec? Qu’en est-il de ce sentier linéaire accessible pour tous les citoyens de Québec « Cap en cap », présenté à la Ville par Mme Johanne Elsener (110 000m2, l’équivalent de 18 terrains de Football)? Quelle est la place des Premières nations dans ce projet pour lequel le ministre Sébastien Proulx, responsable de la Capitale nationale, vient d’annoncer 3 millions à la Ville de Québec pour ce sentier récréo-touristique?
Qu’adviendra-t-il de l’aréna du quartier Saint-Michel utilisé par les enfants et les résidents de plusieurs quartiers de Québec?
Qu’en est-il de l’incroyable circulation automobile qui s’amène dans ce paisible quartier?
Qu’en est-il de tous ces mémoires qui ont été présentés tant au gouvernement de Québec en 2013, ainsi qu’à la Ville de Québec en 2015? Qu’est-ce que la Commission de la capitale nationale, organisme voué à la mise en valeur des espaces naturels, a fait pour protéger les falaises de Sillery, situées le long du fleuve Saint-Laurent, reconnu comme lieu historique du Québec, reconnu par le ministre de la Culture et des Communications en 2017?
Qu’en penseront les générations futures? Peut-on encore réparer ce qui est en train de se faire? Mais surtout, on peut se demander, est-ce ça la démocratie à Québec?
Le problème des municipalités au Québec est de poursuivre un développement illimité et de collecter toujours plus de taxes, fut-ce au détriment de la qualité de vie de la population. À la fin de son mandat, le regretté maire de Québec Jean-Paul L’Allier avait mis en lumière cet enjeu crucial pour nos édiles. Il l’a notamment rappeler dans son remarquable éloge funèbre prononcé au funérailles du maire de Montréal, Jean Doré, en 2015. Malheureusement, le texte de cette allocution est in trouvable, du moins pour moi. Quelqu’un peut mettre la main dessus et m’en refiler une copie Merci à l’avance.
Richard Amiot