Le documentaire réalisé par la cinéaste montréalaise Iolande Cadrin-Rossignol trace le portrait de l’état actuel de la biodiversité avec l’astrophysicien écologiste Hubert Reeves et plusieurs scientifiques, philosophes et artistes. Ces hommes et ces femmes questionnent notre rapport de domination sur la nature et en révèle les aspects les plus fascinants.
La Terre vue du cœur, c’est la Terre vue avec compassion, avec amour, avec un regard humaniste. Ce film, s’il reprend plusieurs informations déjà diffusées et connues, a le mérite d’en faire la synthèse et de convaincre de l’urgence d’agir en se rapprochant de la nature dont nous sommes partie prenante.
La sixième extinction est en cours, affirme Hubert Reeves, la première étant le Jurassique. Cette extinction a la particularité de se produire à une vitesse inégalée, sur 100, 150 ans, prévient l’écologiste. Elle est aussi le produit de l’action humaine et c’est aussi par notre action que nous pourrons l’interrompre.
Hubert Reeves rappelle, à la suite de Charles Darwin, que c’est notre capacité à nous adapter qui va nous permettre de survivre. S’adapter veut dire ici renouer avec la nature qui nous entoure, ne pas lutter contre elle, mais avec elle, en s’en inspirant.
Une espèce parmi d’autres
Le film invite à remettre en question notre rapport aux animaux, voire à changer notre conception du monde. « Nous sommes une espèce parmi d’autres » affirme le philosophe Frédéric Lenoir. La volonté de dominer les animaux, que Descartes considérait comme des machines, a produit depuis des siècles, les élevages industriels, la surconsommation de viande et notre déconnexion avec les sentiments désormais reconnus des animaux.
Si le ton du film n’est pas moralisateur, les faits forcent la prise de conscience. Les scientifiques déplorent notamment que l’industrie laitière élève des vaches qui n’ont aucun moment de bonheur. Ne serait-ce parce qu’on leur enlève leurs veaux dès la naissance, pour forcer la production de lait. Ce n’est pas le premier documentaire à montrer les dérives de l’élevage industriel, soit, mais ce dernier a le mérite d’être porteur d’espoir.
La situation est alarmante, mais non sans issue. On note les avancées dans la protection de la nature, les nouveaux droits acquis aux cours d’eau. Le fleuve Gange et la rivière Yamuna sont désormais dotés d’une personnalité juridique en Inde. Au Québec, depuis 2015, les animaux ne sont plus considérés comme des choses ou des «biens meubles», mais comme des êtres doués de sensibilité.
Sans parler du droit à l’air pur et à un environnement sain. Les scientifiques parlent maintenant d’une sociologie des arbres. Ils étudient la communication des arbres entre eux, des racines aux sommets.
Le documentaire témoigne de l’importante mobilisation citoyenne qui a mené à la lutte victorieuse pour sauver les bélugas du Saint-Laurent en 2014, obligeant TransCanada à abandonner son projet de port pétrolier à Cacouna.
Ce film arrive à point nommé en ce printemps 2018 et rend encore plus absurde la volonté actuelle du gouvernement canadien de défendre la construction du pipeline Kinder Morgan pour augmenter davantage la production du pétrole bitumineux. Il rend encore plus anachroniques tant d’autres choix que les politiciens continuent de faire aveuglément sous la pression des industriels ou par manque d’imagination.
Ce documentaire lumineux est certes classique dans sa forme, mais il a le mérite d’être très accessible et de s’adresser à un large public. L’implication des artistes québécois comme Les Cowboys fringants, dont témoigne la dernière partie du film, montre que la protection de l’environnement se fait sur plusieurs fronts. Et ce savoir partagé participera sans doute a éveiller encore plus les consciences.
Jusqu’au 18 mai.
Au CLAP (vérifier l’horaire)..