Une poubelle réinventée : rencontre avec Wartin Pantois

Lynda Forgues
Publié le 17 juin 2018

Le samedi 16 juin se tenait l’université populaire de Québec à la Place de l’université, dans Saint-Roch. L’artiste de rue Wartin Pantois y faisait une nouvelle intervention.

Celui qui est connu depuis plusieurs années, dans nos quartiers centraux, pour son art de beauté et d’engagement, a répondu à l’invitation de participer à cette journée sur le thème « Le vivre ensemble mis à l’épreuve ». L’artiste s’explique : « J’ai saisi cette occasion pour faire un projet qui parle de nos radios populistes à Québec et de leur discours parfois ordurier, parfois haineux, d’une petite haine parfois insidieuse, qui devient socialement acceptable. J’ai voulu faire une œuvre là-dessus. »

Une intervention de l’artiste de rue Wartin Pantois lors de l’université populaire de Québec le 16 juin 2018.
À la poubelle!, une intervention de l’artiste de rue Wartin Pantois. À Québec, le vivre-ensemble est miné par les propos intolérants des radios populistes. Remettons ces discours à leur place.
Installation artistique, ready-made rehaussé à la feuille d’or et dispositif sonore, Université populaire du Centre de recherche Cultures Arts Sociétés (CELAT), Place de l’Université du Québec, Québec, Canada, 2018. Crédit photo: Wartin Pantois

Deuxième œuvre en trois dimensions, après les lingots d’or de son intervention sur le G7. Cette fois-ci, ça consiste en une poubelle dorée, disposée en plein milieu du passage où circulent les visiteurs, et qui « contient » ces discours-là, où ils devraient se trouver, à la poubelle, d’où le titre de l’œuvre. Quand on s’en approche et qu’on tend l’oreille, on entend des extraits de radios de Québec. « Ce sont des propos que je considère néfastes pour le vivre ensemble, dit l’artiste. Au début j’avais l’intention de faire un montage audio d’extraits choc, mais j’ai été incapable d’écouter ces radios-là plus de 10 secondes. Juste le ton m’horripile. Les arguments fallacieux. La mauvaise foi. En même temps, ça laisse du temps, pour qui tend l’oreille près de la poubelle, à entendre l’argumentaire et les éléments de contexte développés par les animateurs. C’est plus juste pour ces radios-là, ça permet de se faire une meilleure idée des discours des radios-poubelle. »

La feuille d’or de Wartin Pantois

Voir cette grosse poubelle d’or resplendir au soleil brillant de juin, c’est assez inusité. C’est un fait qu’à Québec ces radios populistes sont une mine d’or pour certains. Mais pour Wartin Pantois, c’est autre chose : « La feuille d’or, je l’ai introduite dans le collage que j’avais fait pour la nuit des sans-abris, pour valoriser ces personnes, en rajoutant la feuille d’or comme un élément symbolique et aussi pour faire contraste par rapport à l’art de rue : la matière pauvre qu’est le papier et la colle maison. Ici, la feuille d’or sert à contenir les discours populistes dans une poubelle. »

L’art éphémère

L’art de rue a toujours quelque chose de particulièrement éphémère. Dans le cas de cette intervention à propos des discours des radios-poubelle, c’est assez paradoxal. Les mots – des radios – s’envolent, et pourtant ce type de radio perdure dans la capitale, au contraire de la beauté d’un art comme celui de Wartin Pantois. « Je fais des œuvres dans la rue et il leur arrive plein de choses, dit-il, ça fait partie de l’œuvre, parfois elles sont grafignées par les gens. Par exemple, le projet que j’ai fait sur les sites d’injection supervisée, où j’avais représenté des utilisateurs de drogues injectables en train de s’injecter, y a quelqu’un qui avait gratté la zone de l’injection, précisément. J’avais trouvé ça quand même intéressant. Quand je fais quelque chose sur un thème, il y a quelqu’un d’autre qui interagit, ça, j’ai trouvé ça sympathique. C’est en lien avec le propos. Si c’était complètement détourné, sans pertinence, ce serait différent. »

Ce serait différent, par exemple, du collage artistique sur le centième anniversaire des émeutes de Québec qui a été arraché au bout de quelques minutes seulement, en avril dernier… « C’est le risque d’utiliser un mur pour lequel je n’avais pas demandé de permission, comme je le fais souvent, explique-t-il, en ayant à l’esprit que j’ajoute au lieu de détruire, et que j’utilise des matériaux qui sont non dommageables pour le mur. Il aurait pu l’enlever quelques semaines plus tard. C’est intéressant dans ce cas, car cette œuvre est une œuvre sur la mémoire, sur des événements historiques, sur l’effacement de la mémoire, et elle a été retirée; ultimement, j’accepte le sort qui est réservé à mes œuvres dans l’espace public. Elles ont leur vie propre. Les premières fois, je trouvais ça plus difficile, quand elles étaient enlevées par les autorités municipales, mais c’est de bonne guerre… Je ne demande pas de permission, j’agis avec une éthique de travail, et je pense que c’est socialement accepté. Les gens savent que j’ai des bons matériaux, que j’interviens sur des immeubles publics ou désertés, je suis très confortable avec ma démarche en ce sens. S’il y a des gens en position de pouvoir qui sont moins confortables et qui font retirer mes collages, ça leur appartient. Ça m’encourage à continuer. »

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