Pour souligner les vingt ans de la Rencontre internationale d’art performance de Québec (RIAP), dont la première édition avait lieu en 1998, Le Lieu accueille depuis septembre, et cela jusqu’en décembre, artistes, historiennes de l’art, critiques et organisateurs d’événements provenant d’Amérique, d’Europe, d’Asie et d’Afrique.
Cette biennale est le plus ancien festival du genre au Canada et elle est devenue une «institution phare de la performance sur la plan mondial». Avec cette rencontre, la ville de Québec est en effet un des catalyseurs de ce réseau où les artistes échangent et présentent leurs œuvres à un public rompu à l’art expérimental, attiré par l’imprévu, par un art qui transcende les cultures.
Comme le dit si bien l’artiste brésilien et conférencier invité, Lucio Agra, «avec la performance, on rencontre des gens de partout dans le monde, on parle tous le même langage : celui de la performance. » L’art action étonne, dérange, questionne l’art lui-même. Il demeure toujours proche de la contre-culture et de toutes les expériences pour changer l’art et la vie où la performance a pris ses racines.
C’est cette dimension utopique de l’art action qu’a mise en pratique l’artiste française Danielle Roussel, qui a vécu dans différentes communautés hippies une grande partie de sa vie afin d’intégrer la création à sa vie quotidienne. Elle en a témoigné lors d’une fascinante conférence le 28 septembre dernier.
Pendant les prochaines semaines, conférences et soirées de performances se succéderont et seront l’occasion de faire des bilans des pratiques dans différents pays. Les artistes d’Amérique du Sud et d’Afrique, qui ont été à l’honneur en octobre, seront suivis du 3 au 18 novembre d’une série d’exposés sur la situation de la performance en Europe. Des invités de Hongrie, de Bulgarie, de Roumanie, de Russie, de Lituanie, et d’Irlande du Nord prendront la parole.
Pourquoi présenter les artistes selon leurs origines ? « Face aux artistes étrangers, nous transposons souvent nos propres fantasmes, notre propre idéologie », rappelle le directeur de Lieu, Richard Martel, qui envisage cet automne de conférences et de performances comme une occasion de faire un bilan.
Les théoriciens, critiques et historiens de l’art de différents pays contribueront à l’écriture d’un ouvrage relatant les dernières décennies de cet art «en temps réel». Un art d’abord, et encore, en marge des marchés, davantage dans l’action éphémère que dans la création d’objet. Un art où «l’artiste n’a presque besoin de rien, sinon son propre corps», tel que le décrit Lucio Agra. Une pratique souvent sociale et politique, comme au Pérou où les artistes investissent l’espace public pour dénoncer l’injustice ou l’exploitation de la nature, tel que le rappelle le critique d’art Émilio Tarazona.
À travers l’art et ses enjeux, c’est souvent un portrait de la situation politique des différents pays et des libertés chèrement acquises qui se dessinent. Il en va ainsi de la situation actuelle au Brésil, avec l’élection, le 28 octobre dernier, d’un parti d’extrême-droite, nostalgique de la dictature miliaire, qui n’augure rien de bon pour la liberté des artistes, pour l’art expérimental et pour toutes les formes de marginalités.