Pour répondre au texte de Gilles Simard « Un Québec laïc pour guérir nos blessures… », paru dans Droit de parole en octobre 2018, et dans le but de poursuivre une discussion saine sur le port des signes religieux, je souhaite rappeler la dimension émancipatrice de la spiritualité en revendiquant une posture non-autoritaire du fait religieux.
Ces signes sont sujets à interprétation et touchent autant à la grâce pour certains qu’ils évoquent pour d’autres la disgrâce. Le signe est relatif. La démocratie rend possible ce débat sur une dimension intime de la vie, et il peut être animé d’une réelle volonté de partage. Le port public du voile par les sœurs, celui du col romain par les prêtres, et celui d’autres signes religieux par les pratiquants d’autres religions, fait que nous, croyants, pouvons nous reconnaître et nous sentir moins seuls dans les lieux publics. Le signe est interprété par les croyants qui se reconnaissent comme celui d’un engagement humain et divin.
La liberté de culte devrait être envisagée comme émancipatrice, et le port du signe religieux comme signe de joie partagée, humaine.
Comment est possible une religion moderne ? Il n’y a pas de monopole de la souffrance en spiritualité. Les blessures que certains ont vécues dans l’Église dans les années 60 et 70 doivent être exprimées, tout comme j’exprime ma réaction face à l’athéisme militant de mes parents. Ce témoignage est doublement non-violent, à la fois envers l’Église et envers les baby-boomers. Ils se sont mutuellement enrichis : la modernité a donné au spirituel et le spirituel a donné à la modernité.
Quelle marche collective allons-nous suivre pour emboîter le pas de la guérison populaire comme appel à partager cette dimension de la vie ?
Peut-on faire un grand pardon de l’Église relatif et inclusif ? La grâce elle-même n’est pas autoritaire. Un supplément de grâce est attendu dans un certain désert culturel. Nous avons soifs et cela se partage.
J’ai commencé ma pratique religieuse en confessant aux prêtres les péchés de l’Église et les miens. Par soif de justice, entre autres. J’ai fait la part des choses entre le bien et le mal dans l’Église. Distingué dans la religion, l’amour.
Rendre des comptes fait partie de la modernité. Aussi je déplore que l’Église se soit déresponsabilisée envers les orphelins de Duplessis. Les générations X et Y ont vu réapparaître dans le lieu de culte le goût de Dieu. Ce goût est vivant, je vous le dis. Nous avons fait l’expérience d’une terrible solitude. Je pense que les signes religieux peuvent nous faire sortir de cette solitude. Cette place à discuter tient d’une émancipation certaine et collective.
L’institution de la justice sociale de la Révolution tranquille est, dans le plan désacralisant du spirituel, un investissement. La justice sociale a remplacé la charité. La laïcité, c’est la vie laïque des Chrétiens en parallèle de l’Église; c’est la possibilité de choisir, de garder une distance. Pris entre les abus passés de l’Église et les abus passés de nos parents, nous avons émergés debout au cœur du silence. L’action cicatrisante nous invite à nous ouvrir aux autres et à entrer en gauche avec la grâce.