La ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, Mme Andrée Laforest, a déposé, le 3 avril à l’Assemblée nationale, le projet de loi no 16. Selon le ministère, « il s’agit d’une réforme en profondeur [du] domaine de l’habitation par diverses dispositions législatives relatives à la copropriété divise et à la Régie du logement. » Le ministère estime qu’ « avec ce projet de loi, le gouvernement souhaite à la fois préserver de façon durable le parc immobilier des copropriétés divises, en améliorer le fonctionnement et mieux protéger les acheteurs d’unités neuves ou existantes. »
Il s’agit surtout de modifications techniques, comme le souligne le Regroupement des comités logements et des associations de locataires du Québec (RCLALQ), qui réclame une réforme complète de la Régie du logement afin de rendre le tribunal juste et accessible pour les locataires :
« Le projet de loi 16 propose des modifications techniques au fonctionnement interne du tribunal qui ne s’attaqueront pas aux nombreuses injustices vécues par les locataires. La ministre décide de prioriser des mesures cosmétiques comme de changer le nom de la Régie pour le Tribunal administratif du logement plutôt que de revoir de fond en comble le tribunal », déplore le porte-parole du RCLALQ, Maxime Roy-Allard.
On pourrait penser que ce changement de nom est une façon de restreindre le mandat de la Régie, mais le gouvernement a augmenté les sommes qui lui sont attribuées dans son dernier budget, comme le rappelle le RCLALQ, qui salue cette augmentation de 5 M$ par année, ce qui représente environ 20 % du budget annuel du tribunal. Cette augmentation permettra d’ajouter neuf nouveaux juges, et 30 nouveaux préposés à l’information seront embauchés.
Depuis plusieurs années, le RCLALQ revendique un meilleur accès des locataires à ce tribunal administratif. L’association « espère néanmoins que cette annonce favorisera l’accès à la justice pour les locataires de plusieurs manières, notamment en réduisant les délais d’attente, mais aussi en augmentant le nombre de bureaux dans les différentes régions, en éliminant les frais d’ouverture de dossier et en améliorant le service d’information. »
Plusieurs bureaux de la Régie du logement ont en effet été fermés sous le gouvernement libéral pendant les dernières années. Alma, Jonquière, Lévis, Sorel et Victoriaville ont ainsi perdu leurs points de service, situation obligeant les locataires à faire plusieurs centaines de kilomètres pour avoir accès un tribunal de la Régie. Le RCLALQ revendique depuis des années la réouverture de ces bureaux, mais cela ne semble pas inclus dans la réforme actuelle, et cela, malgré l’augmentation des budgets.
Selon le ministère, « grâce aux mesures législatives proposées, l’accès aux services de la Régie du logement sera également facilité, les délais de traitement des dossiers seront diminués et le règlement des litiges au moyen de conciliation sera favorisé. »
Reste que ces modifications, les plus importantes depuis plusieurs décennies, semblent toucher davantage les propriétaires, les acheteurs et le milieu de la construction. Andrée Laforest, ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, précise: « En plus de répondre aux besoins des municipalités et de tenir compte des réalités en matière d’habitation, ce projet de loi donne suite à des recommandations d’acteurs du milieu de l’habitation, de la construction, ainsi que du monde municipal. Je suis fière de le présenter à mes collègues de l’Assemblée nationale, car il témoigne assurément de la volonté du gouvernement d’agir dans l’intérêt des Québécoises et des Québécois. Avec ce projet de loi, nous montrons une fois de plus que nous sommes un gouvernement pragmatique qui est à l’écoute des Québécoises et des Québécois et de leurs besoins. »
Pour le RCLALQ, « le projet de loi 16 manque d’ambition en ne s’attaquant pas aux grandes injustices subies par les locataires à la Régie du logement. » Selon l’association, rien n’est proposé pour faire cesser les expulsions de locataires à la chaîne pour cause de non-paiement de loyer ni pour améliorer l’accès à la justice.
Le RCLALQ soulève plusieurs mesures inquiétantes qui se retrouvent dans le projet de loi 16, comme l’utilisation plus répandue de la conciliation. « Le RCLALQ verrait d’un bon œil l’usage de la conciliation pour les causes en non-paiement de loyer pour ainsi favoriser les ententes de paiement et le maintien des locataires dans leur logement. Or, le projet de loi ne semble pas se préoccuper des milliers de locataires qui sont expulséEs chaque année pour cause de non-paiement sans pouvoir expliquer leur motif ou sans se faire donner l’opportunité de rembourser leur dette tout en conservant leur logis », déplore Maxime Roy-Allard. Le RCLALQ dénonce également la volonté de la ministre de faire davantage utilisation de la visioconférence, puisque ce moyen technologique peut complexifier davantage les audiences et nuire à l’assistance des juges envers les locataires.
« Il est urgent d’instaurer un contrôle obligatoire des loyers et de favoriser des ententes de paiement pour limiter les expulsions de locataires. Le tribunal doit non seulement mieux protéger les locataires, mais aussi favoriser l’accès à la justice en réduisant significativement les délais et en ouvrant des points de service dans toutes les régions du Québec », réclame M. Roy-Allard.
Le Collectif pour un Québec sans pauvreté, le Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ) ainsi que l’Association des juristes progressistes (AJP) réclament à l’unisson une véritable réforme de la Régie du logement. À la suite du dépôt du projet de loi sur la Régie, le RCLALQ et ses alliés demandent à la ministre Laforest «d’aller encore plus loin en transformant le tribunal pour qu’il soit réellement juste et accessible pour les locataires».
Le RCLALQ mène actuellement la campagne « Justice pour les locataires : Réformons la Régie du logement », appuyée par plus de 150 organisations et plusieurs milliers de citoyenNEs. « La ministre Andrée Laforest doit refaire ses devoirs et proposer des mesures concrètes pour favoriser l’accès à la justice et pour mieux protéger les droits des locataires », réclame le porte-parole du RCLALQ, Maxime Roy-Allard. Le RCLALQ a par ailleurs élaboré sa propre réforme de la Régie qui contient l’ensemble des changements réclamés.