And, you know, there’s no such thing as society.
Margaret Thatcher
Celui qui se retrouve devant rien a été extorqué par des conventions humaines.
Michel Bernard et Michel Chartrand, Manifeste pour un revenu de citoyenneté
À Québec les poubelles parlent
À Québec les poubelles hurlent
Y serait temps de ramasser les vidanges
Leur radio t’annonce que tu n’es rien
sois heureux de recevoir ta pitance
tu la paies chèrement de ton travail aliéné
toi quelqu’un sans visage dans l’embrigadement de tes jours
leur radio te répète chaque matin chaque midi chaque soir
compte pas ta sueur compte pas ton sang
tu n’es rien
de père en fils de mère en fille
eux qui possèdent existent existent pour de vrai!
ils se montrent responsables
responsables dans les tout inclus de la misère des autres
leurs partys à clowns meurtriers à poufiasses en séries
Piliers d’un régime vermoulu moralisateurs sans foi ni loi
ils traînent des soubrettes machiavels dans leurs paradis à gorilles
boivent le scotch maculé de sang sur des plages de sable fin
au bidonville crèvent sans nom des enfants dans la chiasse
au Québec des gagne-petit admirent leur luxe faisandé
mais eux ont bonne conscience, des pitbulls humanitaristes
le pognon c’est le progrès n’importent les restes
indices à la hausse rendons grâce aux carnassiers
remercions-les à genoux nos citoyens à fondations
philanthropes à crédits d’impôt ils blanchissent le mépris
quelques tableaux dans un musée éliminent tous péchés
Bronfman mérite ses Expos autant qu’un enfermement
à nous de voir le bonyenne s’il est méritant
les busboys de la télé les auront assez lichaillés
les héritiers de l’honorable pégreux à bagosse
notre noblesse possède des titres à intérêts composés
Mais toi quelqu’un : T’es quoi?
Toi quelqu’un tu n’es rien
tu n’es rien toi quelqu’un
Rien!
À Québec les poubelles parlent
À Québec les poubelles hurlent
toi quelqu’un paie tes taxes ferme ta gueule
le Sacré-Cœur des milliardaires veille sur toi
sors-toi ça de la tête
t’es pas dominé, t’es pas aliéné
les assistés de luxe sont les grands hommes du siècle
perds ta job tu seras marqué au fer rouge
CHÔMEUR B.S. POUILLEUX DE PARASITE
propriété de l’État qui toujours sert les mêmes
et hop! une augmentation pour la mafia médicale
congé de taxes pour des entreprises à paradis tropicaux
rien de trop beau pour les as du détournement de fonds publics
mais toi pauvre poire sois heureux si tu reçois leurs miettes
t’es rien mets-toi bien ça dans la caboche toi quelqu’un t’es
RIEN RIEN T’ES RIEN!
les trottoirs mouillés de pluie n’enregistrent pas ta présence
tes désirs tes amours tes deuils les pharmaceutiques t’en guériront
t’es rien RIEN!
t’as pas des tendresses comme dans télé comme dans les films
ça sait aimer eux autres sous des draps tissés de larmes
les Desmarais savent s’y prendre eux! te baisent bien eux!
avec la complicité démocrate des politiciens à claquettes
toi quelqu’un on te bourre la cervelle « Sois honteux! »
tu l’as bien vu, t’es coupable sur toutes les chaînes de télé
serre-toi la ceinture tu coûtes cher mon câlice
le calice fleurit dans tes déjections de larmes
vis écrasé dans tes infériorités immuables
partis clubs privés saintes cliques saintes claques!
les sacrées piastres t’aiment à genoux
l’Église t’en fais pas idem qu’en dise François
les abus sexuels c’est pas des prurits à détraqués
les armées ça viole toujours pour briser les vaincus
la vertu fut une arme dont on perça ton flanc
mais toi tout te condamne saligaud tous les catéchismes
leurs économistes pornographes te l’auront bien dit :
ça suffit pas te mutiler t’enculer non plus tu dois consentir!
en épargnant à petits sous on devient un Beaudoin
mais toi l’andouille sans calculette dans le ciboulot
t’es inculte t’es sale tu pues
t’es irresponsable, mon hostie, faut te dompter
ferme-les tes quenœils, piquer c’est pas toujours voler
ton restant d’âme certain on te le fera dégorger
comme ton cœur qui bat
ton cœur qui bat si faiblement
*
À Québec les poubelles parlent
À Québec les poubelles hurlent
l’infâme credo de tes devoirs fustige tes mains
Émergent en nous au milieu de nous des esclavages inédits
des bouffons malpropres étendent leur règne
les vautours lorgnent l’adolescente qui hante le centre-ville
qui quête qui se vend
on veut pas, toi quelqu’un, surtout pas que tu la voies
de toute façon c’est sa faute
à elle à ses parents à sa classe aux pas de classe
même si les classes sociales ça n’existe pas
En définitive écoutes-tu toi quelqu’un? écoute don’!
les sangsues guettent le plasma de ton sang
faque sois rien, contenté d’être rien
toujours souriant au soleil des autres
sois vaillant pis chiale pas
admiratif devant les matérialisations de la haine
Et c’est devant ça qu’on s’écrase?
Leur monde est à prendre
Il fut toujours nôtre
Nous fûmes toujours siens
Péter un parebrise de la Brink’s est un acte sacré
Dans le monde recouvré nous trouverons notre véritable visage
Quand deviendrons-nous enfin réels dans notre humanité?
Des mots pour dire tout haut ce qu’il faut réfléchir, d’abord individuellement puis inévitablement, en tant que société.