1 ¢ la tonne

Par Frédéric Gagnon
Publié le 13 juin 2019

And, you know, there’s no such thing as society.

Margaret Thatcher

 

Celui qui se retrouve devant rien a été extorqué par des conventions humaines.

Michel Bernard et Michel Chartrand, Manifeste pour un revenu de citoyenneté

 

À Québec les poubelles parlent

À Québec les poubelles hurlent

Y serait temps de ramasser les vidanges

 

Leur radio t’annonce que tu n’es rien

sois heureux de recevoir ta pitance

tu la paies chèrement de ton travail aliéné

toi   quelqu’un   sans visage dans l’embrigadement de tes jours

leur radio te répète chaque matin chaque midi chaque soir

compte pas ta sueur compte pas ton sang

tu n’es rien

de père en fils de mère en fille

eux qui possèdent existent   existent pour de vrai!

ils se montrent responsables

responsables dans les tout inclus de la misère des autres

leurs partys à clowns meurtriers à poufiasses en séries

 

Piliers d’un régime vermoulu    moralisateurs sans foi ni loi

ils traînent des soubrettes machiavels dans leurs paradis à gorilles

boivent le scotch maculé de sang sur des plages de sable fin

au bidonville crèvent sans nom des enfants dans la chiasse

au Québec des gagne-petit admirent leur luxe faisandé

mais eux ont bonne conscience, des pitbulls humanitaristes

le pognon c’est le progrès n’importent les restes

indices à la hausse rendons grâce aux carnassiers

remercions-les à genoux nos citoyens à fondations

philanthropes à crédits d’impôt ils blanchissent le mépris

quelques tableaux dans un musée éliminent tous péchés

Bronfman mérite ses Expos autant qu’un enfermement

à nous de voir le bonyenne s’il est méritant

les busboys de la télé les auront assez lichaillés

les héritiers de l’honorable pégreux à bagosse

notre noblesse possède des titres à intérêts composés

 

Mais toi quelqu’un : T’es quoi?

 

Toi quelqu’un tu n’es rien

tu n’es rien toi quelqu’un

Rien!

 

À Québec les poubelles parlent

À Québec les poubelles hurlent

toi quelqu’un paie tes taxes ferme ta gueule

le Sacré-Cœur des milliardaires veille sur toi

sors-toi ça de la tête

t’es pas dominé, t’es pas aliéné

les assistés de luxe sont les grands hommes du siècle

perds ta job tu seras marqué au fer rouge

CHÔMEUR   B.S.   POUILLEUX DE PARASITE

propriété de l’État qui toujours sert les mêmes

et hop! une augmentation pour la mafia médicale

congé de taxes pour des entreprises à paradis tropicaux

rien de trop beau pour les as du détournement de fonds publics

mais toi pauvre poire sois heureux si tu reçois leurs miettes

t’es rien mets-toi bien ça dans la caboche toi quelqu’un t’es

RIEN    RIEN    T’ES RIEN!

les trottoirs mouillés de pluie n’enregistrent pas ta présence

tes désirs tes amours tes deuils les pharmaceutiques t’en guériront

t’es rien    RIEN!

t’as pas des tendresses comme dans télé comme dans les films

ça sait aimer   eux autres   sous des draps tissés de larmes

les Desmarais savent s’y prendre   eux!    te baisent bien   eux!

avec la complicité démocrate des politiciens à claquettes

toi quelqu’un on te bourre la cervelle « Sois honteux! »

tu l’as bien vu, t’es coupable sur toutes les chaînes de télé

serre-toi la ceinture tu coûtes cher mon câlice

le calice fleurit dans tes déjections de larmes

vis écrasé dans tes infériorités immuables

partis clubs privés    saintes cliques saintes claques!

les sacrées piastres t’aiment à genoux

l’Église t’en fais pas idem qu’en dise François

les abus sexuels c’est pas des prurits à détraqués

les armées ça viole toujours pour briser les vaincus

la vertu fut une arme dont on perça ton flanc

mais toi tout te condamne saligaud tous les catéchismes

leurs économistes pornographes te l’auront bien dit :

ça suffit pas te mutiler t’enculer non plus   tu dois consentir!

en épargnant à petits sous on devient un Beaudoin

mais toi l’andouille sans calculette dans le ciboulot

t’es inculte    t’es sale    tu pues

t’es irresponsable, mon hostie, faut te dompter

ferme-les tes quenœils, piquer c’est pas toujours voler

ton restant d’âme certain on te le fera dégorger

comme ton cœur qui bat

ton cœur qui bat si faiblement

 

*

 

À Québec les poubelles parlent

À Québec les poubelles hurlent

l’infâme credo de tes devoirs fustige tes mains

 

Émergent en nous au milieu de nous des esclavages inédits

des bouffons malpropres étendent leur règne

les vautours lorgnent l’adolescente qui hante le centre-ville

qui quête qui se vend

on veut pas, toi quelqu’un, surtout pas que tu la voies

de toute façon c’est sa faute

à elle à ses parents à sa classe aux pas de classe

même si les classes sociales ça n’existe pas

 

En définitive   écoutes-tu toi quelqu’un? écoute don’!

les sangsues guettent le plasma de ton sang

faque sois rien, contenté d’être rien

toujours souriant au soleil des autres

sois vaillant pis chiale pas

admiratif devant les matérialisations de la haine

 

 

Et c’est devant ça qu’on s’écrase?

 

Leur monde est à prendre

Il fut toujours nôtre

Nous fûmes toujours siens

 

Péter un parebrise de la Brink’s est un acte sacré

 

Dans le monde recouvré nous trouverons notre véritable visage

 

 

Quand deviendrons-nous enfin réels dans notre humanité?

 

 

 

Commentaires

  1. Des mots pour dire tout haut ce qu’il faut réfléchir, d’abord individuellement puis inévitablement, en tant que société.

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