Le Cabinet des censuré.e.s est une des expositions à voir cet automne à Québec. Autant pour la très intéressante sélection des artistes que pour les enjeux que leurs oeuvres soulèvent. Elles ont en commun d’avoir été censurées de différentes manières et pour diverses raisons : projets annulés faute d’appui de la part des diffuseurs, œuvres retirées sans préavis, interventions in situ jugées inopportunes.
Cette exposition s’interroge sur les effets psychologiques de la censure sur les artistes à travers témoignages, œuvres et performances, une dimension rarement investigué. Lorsqu’on s’intéresse à la censure, c’est le plus souvent pour identifier les censeurs et pour revendiquer la liberté d’expression. Voilà l’occasion de revoir Hommage à Sa Gratieuse Majesté (2008) de Martin Bureau, un trou d’homme dont la réalisation a été suspendue lorsqu’une fonderie a refusé de couler ce portrait de la reine coiffé d’un panache d’original.
À l’époque, le projet de Bureau, inspiré des pièces de monnaie de trente sous, faisait parti d’une intervention publique de Folie/culture, composé d’une série de grilles pour bouches d’égout imaginées par différents artistes. S’il n’a pu participer à l’événement urbain, Martin Bureau en a cependant fait a coulé trois exemplaires pour des collectionneurs privés. Cette œuvre critiquant la monarchie anglaise est peut-être l’œuvre la plus fameuse du groupe.
C’est aussi l’occasion de découvrir les oeuvres censurées des montréalais Steve Giasson et Helena Martin Franco et de connaître les enjeux entourant la censure de la fresque de la photographe Isabelle Hayeur, qui n’a pu voir le jour à Montréal, ou la censure des oeuvres de John Bayle-Singfield à Chicoutimi.
L’exposition présente aussi des œuvres du peintre et performeur Christian Messier, qui a vu ses tableaux retirés de l’exposition La foret s’en vient II à la salle André-Mathieu à Laval en 2017, vraisemblablement pour cause de nudité à la suite d’une plainte provenant du public. Six des quinze tableaux présentés avaient alors été retirés. Cela rappelle que les oeuvres acquièrent un surplus d’aura dans la tourmente. N’est-ce pas d’ailleurs le paradoxe de la mise à l’index, qui fait connaitre davantage une oeuvre par la controverse qu’elle suscite? Pensons aux pièces Slav et Kanata de Robert Lepage qui ont fait la manchette en 2018, et dont on parle encore.