Je me sens interpellée par la jeune génération qui a marché massivement dans les rues de Québec, en mars dernier, pour le climat et l’environnement. Cette jeunesse marchera à nouveau le 27 septembre, appuyée notamment par les groupes communautaires et les syndicats.
Je revois cette photo du journal Le Soleil, datée du 16 mars, où une jeune fille âgée seulement de 13 ans porte un écriteau « Terrien sans terre, t’es rien ». Elle m’a aidée à faire le lien avec la mémoire et la voix de nos ancêtres, de nos pères qui nous ont laissé un héritage important. Ils ont défriché ces terres et ils les ont préparées à devenir des terres agricoles; ils les travaillaient de l’aube au coucher du soleil, car elles étaient essentielles à leur survie. Il n’existait aucun programme d’aide gouvernemental, et la culture des terres était le principal moyen de nourrir convenablement les familles, et de répondre aux premiers besoins de la population.
L’auteur Marcel Tessier nous parle ainsi du premier colon Louis Hébert. Il cite notre fondateur, Champlain, qui se souvenait combien l’homme adorait la terre et combien il admirait ce premier colon installé définitivement sur le sol de la Nouvelle-France. Joseph Rutché dans son Précis d’histoire du Canada, écrit au sujet de Louis Hébert : « C’est le premier de cette race de défricheurs qui versent leur sueur sur la motte de terre remuée par la bêche ou par la charrue, qui mettent de leur être dans la terre nouvelle, qui mettent au cœur des enfants l’affection du petit domaine auquel la famille doit sa subsistance, qui créent en un mot la patrie nouvelle. »
De plus, Marcel Tessier dit « que lorsque nous nous promenons le long du fleuve St-Laurent, entre Québec et le Petit Cap, nous foulons les terres qu’ont défrichées ces belles familles venues s’installer à la demande de Robert Giffard, Seigneur de Beauport et qui ont été les premières à se nourrir et à vivre du sol québécois. »
Nos pères avaient des convictions; pour eux, la terre était là bien avant leur présence et elle faisait partie de la création de Dieu. Ils la traitaient avec respect, en lui laissant des temps de repos. Ils étaient nobles et ils avaient une bienveillance naturelle pour protéger cet environnement, créé depuis des millénaires. Ils en étaient propriétaires, mais la terre n’était surtout pas un objet qui leur appartenait.
Comment avons-nous perdu à ce point le sens de nos valeurs ancestrales ?
Quelle ironie du sort ! Présentement, les promoteurs immobiliers et les conglomérats financiers ont la cote; ils ont les moyens de faire une pression énorme sur les « élus ». Les terres agricoles et les espaces verts sont devenus des objets de vive convoitise, que l’on s’attribue les uns après les autres, pour les rendre improductifs à jamais et pour répondre à des intérêts strictement financiers.
À titre d’exemples : a) il y a les terres agricoles des Soeurs de la Charité, b) il y a une usine pharmaceutique qui se construit sur les terres de l’ancienne ferme de l’hôpital Saint-Michel-Archange, c) il y a la construction prévue du Phare, une aberration pour l’environnement, à l’entrée des ponts. Et, il y a tous ces espaces verts utilisés pour ce fléau de tours à condos ou pour les édifices gouvernementaux en hauteur dont nous sommes devenus prisonniers. Exemples : rues d’Estimauville et boulevard Ste-Anne, coin Grande-Allée et avenue Galipeault, et ce projet pollueur d’un terminal de conteneurs sur les berges du fleuve.
Dernièrement, j’écoutais l’urbaniste montréalais Beaudet, dans une émission à Radio-Canada; il disait que l’ensemble des villes nord-américaines est présentement victime de l’ambition illimitée des promoteurs immobiliers et de la construction des édifices en hauteur. Les « élus » tentent de rattraper la situation par la suite, et de diminuer les dégâts en aménageant un petit espace vert ici et là… mais il est trop tard ! L’environnement est brisé de façon définitive.
Et comme il est question du sens de nos valeurs ancestrales, et que cette terre et son environnement sont un bien patrimonial précieux… alors que penser du sort réservé à nos édifices patrimoniaux religieux laissés pour compte ou carrément vendus aux promoteurs immobiliers ? Ce sont des biens inestimables de notre mémoire collective !
Le résultat est la destruction actuelle de l’église Saint- Coeur-de-Marie, sur Grande Allée. Qu’arrivera-t-il à l’église Saint-Sacrement, maintenant fermée ? À l’église Saint-Jean Baptiste et au couvent des Servantes du Saint-Coeur-de- Marie, rue des Cascades, à Beauport, récemment vendu ? Il est entouré d’un grand espace vert, jadis cultivé, sur lequel on trouve toujours des arbres magnifiques ? Le conserver ne serait-il pas un geste écologique ?
En conclusion, je reviens à l’écriteau de cette jeune fille qui manifestait « terrien, sans terre, t’es rien » J’ose ajouter et « sans racines ». Ces racines étant la voix de nos pères, car il est important de savoir d’où l’on vient, pour choisir de façon éclairée où l’on va, dans nos projets de société! Nos pères nous ont transmis cette terre et cet environnement, et notre devoir est de les préserver, afin de les transmettre sains et unifiés à nos enfants qui en ont besoin et qui doivent dorénavant marcher dans les rues pour les réclamer ! C’est une question d’équité. Et nos racines doivent demeurer bien vivantes, par la voix de la jeune génération !