À Québec, malgré la rue Sainte-Claire, transformée en rue partagée dans le quartier Saint-Jean-Baptiste, et la rue Anna, devenue une rue conviviale dans Saint-Sauveur, la réfection des rues en espace plus humain se fait toujours attendre. Droit de parole en a discuté avec les conseillers municipaux Pierre-Luc Lachance de l’Équipe Labeaume et Jean Rousseau de Démocratie Québec.
La construction d’un tramway à Québec envoie un message positif pour le transport en commun. Dans cette perspective, peut-on imaginer que dans tous les quartiers de Québec, la transformation des rues pour laisser de plus de place aux piétons et aux vélos sera enfin envisagée avec enthousiasme par les pouvoirs publics ?
À Montréal, la rue Saint-Hubert, artère commerciale du quartier Rosemont- La Petite-Patrie est en chantier depuis l’été 2019. Tel qu’on pouvait le lire dans Le Devoir du 29 juin dernier, « ce sont les commerçants qui souhaitaient une rue plus conviviale pour les piétons afin que ceux-ci puissent traverser l’artère où ils le veulent en se rendant d’un commerce à l’autre. […] Les tronçons sont longs, et déjà, les piétons faisaient du jaywalking partout », signalait M. Croteau, le maire de l’arrondissement. La rue partagée sera une manière de rendre plus sécuritaire une pratique déjà courante.
Le jaywalking, ou traverser la rue de façon aléatoire, c’est ce qu’on observe sur plusieurs rues à Québec, qu’on pense aux rues Cartier, Saint-Jean, Maguire ou bien à la 3e avenue. Les piétons le font aussi sur la rue Saint-Vallier Ouest, dont la Ville prévoit le réaménagement.
Pierre- Luc Lachance, conseiller municipal de l’Équipe Labeaume, précise les intentions de la Ville pour cette rue, qu’il qualifie de rue de transit : « Il y a un objectif sincère pour que la rue Saint-Vallier Ouest soit plus conviviale en préservant les usages de tous. » C’est ce que propose aussi le comité des citoyens et des citoyennes du quartier Saint-Sauveur dans son plan de mobilité durable dévoilé en 2016. Mais la réfection de la rue Saint-Vallier Ouest, d’abord prévue en 2020, a été remise à une date indéterminée.
Pierre-Luc Lachance espère que cela se fera en 2021. Pour le conseiller municipal de Saint-Roch — Saint-Sauveur, ce délai permettra de faire davantage de consultation. Pourtant, un sondage web a déjà été mené par la Ville du en novembre 2017, et deux ans plus tard, il n’y a toujours pas de plan de chantier en vu.
En fait, la rue Saint- Vallier Ouest fait partie de la douzaine de rues que la Ville envisage de transformer en rue conviviale. La transformation de la rue Saint-Vallier Ouest n’a pas encore de budget, ni d’échéancier prévu pour sa réalisation, comme on l’apprend sur le site de la Ville.
Jean Rousseau, conseiller du district de Cap-aux-Diamants, explique ainsi la remise des travaux : « On sent que la Ville est en train de geler des budgets. Dans le Vieux-Québec, les changements au Parc de l’Esplanade ont été reportés. Il faut se battre à nouveau ». Selon lui, il faudra un mouvement populaire pour faire bouger la Ville sur la transformation des rues.
Selon Marie-Lou Bouliane, directrice de la Société de développement commercial (SDC) du quartier Saint-Sauveur, « une chose est certaine, les gens veulent que la rue Saint-Vallier Ouest soit plus belle. Mais comment ? » Pour Jean Rousseau « les exigences techniques ne sont pas claires lorsque la Ville de Québec parle de rues conviviales » (voir le site de la Ville de Québec ).
Mais surtout, le conseiller de Démocratie-Québec remets en question la manière de procéder de la Ville de Québec : « On peut faire des avancées de trottoirs sans refaire la rue au complet. Ce sont des modèles trop lourds. » En effet, l’amélioration des rues pourraient se faire de manière plus progressive pour ne pas répéter la situation de la rue de l’Église à Sainte-Foy, dont la réfection en rue conviviale, et le gigantesque chantier toujours en cours, a mis en péril plusieurs commerces, comme l’a rapporté le Journal de Québec en juillet dernier.
Est-ce que la rue Saint-Vallier Ouest pourrait être transformée petit à petit pour éviter un gros chantier ? « Non », répond d’emblée Pierre-Luc Lachance : « Les travaux nécessaires pour la rue Saint-Vallier inclus le sous-terrain et la canalisation (comme cela a été fait sur Grande-Allée récemment). » L’objectif de la Ville est d’en profiter pour transformer la rue Saint-Vallier Ouest et d’y intégrer « des degrés de convivialité » précise-t-il.
Les chantiers, comme ceux de la rue de l’église et sur Grande-Allée pourraient ainsi durer plusieurs mois et l’envergure des modifications demeurent encore incertaines.
Cependant, certains aspects de la rue ne pourraient-ils pas être changés plus rapidement et cela sans attendre la réfection de la rue, dont la date est encore indéterminée ? Puisque depuis 2018, le nouveau Code de la sécurité routière du Québec octroie le pouvoir aux municipalités de fixer les limites de vitesse, la limite sur la rue Saint-Vallier Ouest pourrait-elle être réduite à 30 km/h ? Pierre-Luc Lachance : « Effectivement, le ministère des Transports a donné ce pouvoir aux villes. Cet automne, la Ville va déposer sa Stratégie pour favoriser la sécurité routière. » Des modifications à la limite de vitesse seront- elles intégrées dans cette stratégie ? À suivre… Pour Pierre-Luc Lachance, « les aménagements vont être la clé pour réussir à améliorer la sécurité routière sur Saint-Vallier. »
Alors que le quartier Saint-Jean-Baptiste a déjà une rue partagée, le comité populaire du quartier a toujours dans sa mire la transformation de plusieurs rues dans le faubourg. La rue Saint-Augustin est actuellement en plein travaux, les citoyens du quartier voudraient bien que la Ville en profite pour modifier la rue et ainsi éliminer la circulation de transit. « Je suis d’accord avec les citoyens du quartier », précise Jean Rousseau, conseiller du district de Capaux- Diamants. « Le défi, c’est que la Ville a toujours favorisé les automobilistes : on est dans le dogme de l’auto. »
Pour Démocratie-Québec, les rues partagées sont importantes. « Les centres urbains sont des éco-quartiers », rappelle Jean Rousseau. « La ville, c’est un partage; pour nous, la rue c’est un lieu social, un lieu d’échange. » Saint-Sauveur a aussi des ambitions à cet égard : le Comité des citoyens et des citoyennes du quartier demande depuis plusieurs années à ce que la rue Victoria soit transformée en rue partagée.
« À Québec, on est à la préhistoire des rues partagées » souligne Jean Rousseau, précisant du même souffle que les audiences du BAPE (Bureau d’audiences publiques sur l’environnement) sur le tramway prévues cet automne à Québec sont une occasion à saisir : « en terme de réseau urbain, il y aura beaucoup de réaménagements. C’est l’occasion d’avoir cette conversation. Par exemple, sur le boulevard Charest, les citoyens voudraient qu’il n’y ait que deux voies pour diminuer le bruit et la pollution. Ce sera l’occasion de repenser cette artère. » « Le BAPE va nous donner l’information nécessaire, poursuit-il. Il faudra exiger d’avoir toute l’information. En fait, le débat ne fait que commencer.
On parle de rues conviviales. Faudrait que ce soient toutes les rues qui se rendent au tramway qui le soient et qu’on ne se pose même pas la question. C’est l’occasion rêvée de faire la requalification d’un quartier. Le tram-bus qui passera sur Charest va modifier le secteur.»
« L’objectif d’une rue conviviale est de soutenir des déplacements accessibles, sécuritaires et confortables pour : tous les modes de déplacement (à pied, à vélo, en transport en commun, en voiture, en camion); toutes les conditions personnelles (enfants, personnes à mobilité réduite, personnes âgées) et ce, en toutes saisons (été, automne, hiver, printemps). Le design de la rue reste sensible au contexte et s’adapte selon le caractère, l’échelle et les besoins du quartier environnant, tout en stimulant l’identité de ce dernier.
Il ne sera donc pas le même en banlieue qu’en milieu plus dense. L’approche de Rues conviviales comprend le rôle important des modes de déplacement alternatifs et actifs. Les besoins des groupes les plus vulnérables sont analysés et intégrés au début du processus, dans une planification multimodale et d’échelle humaine. Source : Ville de Québec
La Ville de Montréal a une définition plus précise des rues qu’elle nomme hybrides (ou conviviales) : « Entre 60% et 80% de la rue hybride est réservée aux piétons grâce à l’élargissement des trottoirs empiétant sur les voies de stationnement en rive, et, possiblement, sur une ou des voies de circulation. Selon le cas, une ou deux voies de circulation sont maintenues pour permettre le passage des véhicules, et dans certains cas, des autobus circulant à 30 km/h ou moins. » Source : Ville de Montréal
Une rue partagée est un chemin public, ou une partie de celui-ci, sur lequel certaines règles de circulation sont modifiées pour donner la priorité aux piétons et assurer leur sécurité. En plus de la présence d’une signalisation, les aménagements permettent aux usagers de déceler, de façon instinctive, que le partage de la chaussée y est particulier. Sur une rue partagée, le cycliste doit céder le passage à tout piéton qui circule sur une rue partagée ou la traverse.
Sur une rue partagée, le conducteur d’un véhicule routier doit : circuler à une vitesse n’excédant pas 20 km/h, céder le passage à tout piéton qui circule sur une rue partagée ou la traverse. Source : Transports Québec.
Depuis sa récente révision en mai 2018, le Code de la sécurité routière du Québec octroie aux municipalités le pouvoir d’accorder à une voie le statut de rue partagée.