Il faut avoir visité l’exposition du peintre Martin Bureau à la galerie 3 rue Saint-Vallier est pour saisir l’ampleur du massacre des églises qui se déroule au centre-ville de Québec depuis quelques années. Pensons à trois d’entre elles que notre pouvoir politico-religieux avait cédées à des promoteurs privés alors qu’elles étaient encore bien portantes : Saint-Vincent-de-Paul, Saint-Coeur-de-Marie et Saint-François d’Assise. Ces églises, qui dans leur originalité architecturale enrichissaient le paysage urbain de Québec n’y sont plus.
Privatiser une église sans déterminer à l’avance les fonctions qu’elle hébergera est un acte contraire à l’éthique politique et à la morale sociale.Etces fonctions doivent conserver leur vocation publique et rester au service de la collectivité.
Le pouvoir d’État, qu’il soit municipal ou national, a comme tâche de voir au maintien du rôle social, communautaire et public des édifices autrefois voués au culte. Pourquoi? Parce que ces édifices, que nous ont légués nos ancêtres, n’ont pas eu à payer de taxes. Ils sont, en conséquence et juridiquement parlant, des propriétés publiques et le pouvoir religieux, lorsqu’il veut s’en départir, doit les céder au pouvoir public et éviter toute forme de privatisation.
Trois grandes églises du centre-ville de Québec, toujours bien implantées dans le paysage, ont conservé l’espace requis pour de nouvelles vocations. Il s’agit des églises Saint-Charles-de-Limoilou, Saint-Jean- Baptiste et Saint-Sacrement,qui pourraient devenir des centres de vie citoyenne dans leurs quartiers respectifs. Par vie citoyenne, il faut entendre autant vie culturelle que vie politique.
Saint-Charles-de-Limoilou : pour encourager la participation citoyenne à la vie publique municipale, il serait logique d’augmenter le nombre d’arrondissements dans Québec. Par exemple Limoilou, qui comprend les quartiers de Stadacona, Maizerets, Lairet et Vieux-Limoilou, pourrait devenir un arrondissement autonome avec l’église Saint-Charles comme bureau d’arrondissement.
Saint-Jean-Baptiste : l’édifice a été classé patrimonial mais il reste que le diocèse et le ministère des affaires culturelles doivent accepter de donner à cette église une utilité nouvelle qui pourrait être gérée par le niveau municipal.
Saint-Sacrement : la partie extérieure de l’église doit être sécurisée et remise en état mais la nef pourrait accueillir une succursale de la bibliothèque et s’ouvrir à la vie communautaire du quartier Saint-Sacrement.
Chacune de ces églises pourraient servir de lieu de rencontre pour les conseils de quartier locaux et les comités de citoyens, le tout jumelé à des bureaux décentralisés de certains services municipaux comme les services d’aménagement, d’urbanisme, de sécurité publique, etc. En même temps, des espaces publics dans la nef pourraient servir de lieux d’exposition, de salle de concert et de spectacles pour les artistes du quartier. Et pourquoi pas, à certaines heures, de lieux de recueillement pour tous ?
La Ville de Québec a trop perdu d’églises depuis l’époque de la révolution tranquille. Il faut collectivement reconnaître la richesse du passé et se réapproprier ces espaces étonnants et enchanteurs en y faisant renaître des lieux actifs de culture et d’entraide citoyenne.
Les quartiers urbains, tout comme les villages en campagne, doivent conserver ces lieux de rassemblement que sont leurs églises. Elles sont indispensables au dynamisme de la vie culturelle et communautaire locale ainsi qu’au bon déroulement de la démocratie directe qui a besoin d’un milieu de vie beaucoup plus remuant et enraciné que la démocratie représentative qui se contente d’ouvrir un bureau de vote une fois aux quatre ans.