Christian Girard récidive avec un recueil de poèmes sardoniques. On a aimé Scrapitudes, publié aux éditions Moult. C’est avec plaisir qu’on renoue avec l’auteur du quartier Saint-Sauveur, dans un nouvel ouvrage sensible publié aux éditions de L’Oie de Cravan.
Oeuvre volontairement « apoétique », c’est le poète de l’ennui qu’on connaît. Un ennui malfaisant, un ennui savoureux.
« Du gris, du brun, de la rouille et du plâtre. Des outils sans mémoire, des toupies, des pommes de pin et de petits miroirs. Tout est à sa place, s’accroupissant dans l’oubli, monuments minutieux des gestes qu’on ne voit plus. »
Poème nostalgique ? Pas vraiment. « Tout est à sa place », la fatalité des choses de la vie. Christian Girard nous entraine dans un univers fait de peu et qui dit beaucoup. Sans être prolixe, dans l’économie des mots, il montre des miettes du monde et en fait des univers.
«Demain, peut-être, il fera beau, malgré nous.»
Ce regard lucide et touchant traverse tout le recueil.
Christian Girard a fait sa plume dans l’immensité de sa bibliothèque unique. La sienne est physique, tangible. Il collectionne les mots comme les idées. Il fait un travail de débroussailleur unique. Longtemps, on a lu ses comptes rendus de livres dans l’imprimé Le Libraire. Longtemps, on s’est levé de bonne heure pour lire, car Christian a été libraire, il nous a éduqués et orientés vers les bonnes lectures. On ne peut pas lui ôter ce côté savant et fou, ce côté collectionneur et passionné, la littérature, comme on la conçoit généralement, est affaire d’une vie pour ce poète. Il a écumé les livres comme personne. Il s’agit de notre Alberto Manguel de Québec.
Le poète essaie de se positionner : « Suis-je seul poète surréaliste belge, qui ne soit ni poète, ni surréaliste, ni belge ? » Lire Christian Girard, c’est un moment du beau. On s’amuse, on est ému, on pense et ça fait du bien. Cette œuvre de poésie a une vie utile indéterminée, le livre va voyager. On en redemande, on ne veut pas que ça s’épuise…
92 pages de plaisir.