Quand j’ai pris la direction de Droit de parole, en 2006, Marc Boutin en était parti, chassé apparemment par un coup d’État poussant le journal un chouïa plus à gauche. Marc était extrêmement gentil, pas mal à gauche de sa personne, mais il en avait contre le côté «pratico-inerte» d’un certain militantisme. Ce vocabulaire sartrien lui seyait bien, avec son béret un brin existentialiste au sommet de sa silhouette donquichottesque. Cette querelle a provoqué mon propre départ de DDP, quand Marc publia son analyse du milieu communautaire, «Dernier souper à bord du Titanic» (Droit de parole, juin 2011). À la décharge de Marc, je dois avouer que le titre était de moi. Marc Boutin n’était pas n’importe qui à Droit de parole. Il en était l’un des fondateurs. Il en a toujours été une âme dirigeante. Surtout, il a toujours voulu en être un des meilleurs journalistes, perpétuellement sur la brèche pour dénoncer une injustice, alerter l’opinion sur les dérives urbanistique de sa ville, toujours au combat. J’ai soupçonné chez lui une vocation frustrée quand je lui ai demandé un jour de m’autoriser à soumettre sa candidature au titre de Bénévole de l’année à l’Association des médias écrits communautaires du Québec (AMECQ). Je me suis fait ramasser. Marc ne voulait pas que l’on fasse une différence entre le travail d’un journaliste de la presse main stream et de la presse militante ou communautaire si le fond et la forme valaient autant. Marc va manquer au journal pour son talent. Il va manquer au milieu communautaire pour son engagement. Il va manquer à sa ville pour sa créativité. Mais, comme chantait Brassens : «Jamais, au grand jamais, son trou dans l’eau n’se refermait» (Les copains d’abord).
Moi aussi, j’étais attaché à l’idée et à la pratique d’un journalisme « citoyen ».
Mais en même temps un peu agacé par ce qui m’est apparu comme l’émergence d’une mouvance un peu trop gauchisante… et pas nécessairement la plus réfléchie.
Encore sous le choc de cette terrible nouvelle,
Nous ne verrons plus Marc dans tous ces combats citoyens…du comité de citoyens de l’Aire-10, à la fin des années 1960 à l’exposition de ses oeuvres chez lui… Ce fut pour moi, un militant inspirant que j’avais toujours plaisir de côtoyer. Mes condoléances à Gilles, son compagnon dans le Journal Droit de Parole et dans toutes ses luttes urbaines.
Gratitudes, Marc!