La foi en l’information

Par Francine Bordeleau
Publié le 11 février 2021
MICKAËL BERGERON Tombée médiatique, Montréal, Éditions Somme toute 2020, 240 pages.

Après s’être attaqué à la grossophobie (La Vie en gros, 2019), le journaliste et chroniqueur Mickaël Bergeron décortique la crise que traversent les médias depuis des années.

C’était le 20 mars vingt-vingt, au tout début de la pandémie de COVID-19. Durant son point de presse quotidien, le premier ministre François Legault lui-même insistait sur le rôle « essentiel » des médias, alors que le contexte était propice aux rumeurs et aux fausses nouvelles.

Le secteur n’en a pas moins été l’un des premiers touchés, et d’aplomb, par la pandémie, car la fermeture des milieux de travail, des commerces et des lieux culturels a entraîné une chute rapide et tragique des revenus publicitaires. « Le Québec n’avait pas encore atteint 14 jours de confinement que les médias étaient en mode urgence et survie », souligne Mickaël Bergeron, chiffres à l’appui.

C’est ainsi que dès la fin mars, la Coopérative nationale de l’information indépendante (CN2i), formée de six journaux (dont Le Soleil), mettait fin à ses éditions papier en semaine. Que le 1er mai, La Presse demandait au gouvernement du Québec une aide financière d’urgence. Que début juin, le journal Voir annonçait la fin de ses activités…

Pieds d’argile

La pandémie aura en somme révélé l’extrême fragilité des médias québécois. Mais l’édifice ne cesse de se fissurer depuis des années, à telle enseigne que l’expression « crise des médias » est devenue à la fois un lieu commun et un euphémisme.

On ne peut cependant nier que le nouveau règne des GAFAM (pour Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) ajoute à ladite crise une couche inédite, comme Bergeron ne manque pas de le relever. Les annonceurs sont toujours au rendez-vous, mais privilégient le Web; c’est donc une part toujours plus congrue de la tarte publicitaire qui échoit aux « vrais » médias, c’est-à-dire aux entreprises productrices de contenus.

Aussi la solution numéro 1 consiste-t-elle à revoir le modèle d’affaires, estime Mickaël Bergeron. Pour l’heure, les médias tirent l’essentiel de leurs revenus des abonnements et de la publicité : une voie royale vers le compromis, l’infospectacle et le mélange de genres, c’est-à-dire le publireportage maquillé en article journalistique. Un tel modèle est incompatible avec la nature de l’information, qui est en quelque sorte un service public (destiné à la population). Les médias devraient donc être la propriété d’organismes à but non lucratif (OBNL), selon l’essayiste.

Plaidoyer

Les solutions proposées ici à la crise des médias sont louables, mais ne constituent sûrement pas la substantifique moelle du livre. Mickaël Bergeron nous rappelle certains fondamentaux de l’information, et ça, c’est important! Par exemple, pourquoi les médias locaux sont-ils si nécessaires? Parce que ce sont leurs journalistes qui questionnent les élus locaux, qui rendent compte des répercussions de projets sur les populations locales, etc. Lui-même journaliste d’expérience (Le Soleil, Radio-Canada, Voir, la radio CKIA, etc.), l’auteur propose aussi une incursion, fort instructive, dans les coulisses (sur les conditions de production de l’information, entre autres).

Au final, Tombée médiatique convainc du rôle fondamental que joue une information de qualité (donc, des médias de qualité) dans la société.

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