« Il faut faire attention à son cœur. C’est un ami qui nous veut du bonheur… »
Raymond Lévesque, l’auteur de cette chanson, est né à Montréal le sept octobre 1928. À dix ans, il étudie le piano avec l’aide de la deuxième femme de son père qui est éditeur. Puis, il prend des cours d’art dramatique. Découragé par l’ambiance brutale des écoles de l’époque, il abandonne les études et trouve un emploi de garçon de table attiré par l’univers des cabarets de la rue Ste-Catherine. Il écrit déjà des chansons mais ne réussit pas à trouver des interprètes. Au cours de sa vie tumultueuse, il a écrit plus de cinq-cents chansons, publié plusieurs pièces de théâtre, romans, monologues, récits humoristiques, recueils de poèmes. Homme-orchestre, Il fut aussi animateur d’émissions radiophoniques et télévisuelles.
En 1954, il tente sa chance et se rend à Paris encouragé par Fernand Robidoux, animateur de radio, chanteur populaire et promoteur de la chanson du Québec, qui l’a invité à chanter sur les ondes. Avant lui, Félix Leclerc a ouvert la voie. Raymond Lévesque prend la relève pour faire connaitre la culture québécoise à Paris dans les boites à chansons de la rive gauche et à Montmartre. Ce furent des années de bohème durant lesquelles il a croisé les plus grands, Barbara, Brel, Brassens, Ferrat et bien d’autres artistes qui s’intéressaient au Québec et à ses auteurs… Puis la vibrante Pauline Julien, nouvellement mariée à un français, est venue vivre dans la Ville lumière pour y suivre des cours d’art dramatique. Elle se produit elle aussi sur scène, interprétant alors Bertolt Brecht, Léo Ferré, Boris Vian et bien sûr Félix Leclerc et Gilles Vigneault. C’est à cette époque que Pauline et Raymond développèrent une solide amitié.
Revenu au Québec en 59, il fonde avec Clémence Desrochers, Claude Léveillée, Jean-Pierre Ferland, Jacques Blanchet et Hervé Brousseau, la boite à chansons Les Bozos. Sa célèbre chanson Bozos les culottes, d’abord interprétée par Pauline Julien, le fait connaitre davantage. Le chansonnier pacifiste dira en entrevue qu’il voulait mettre en lumière la réalité de «ces petits gars» qui avaient été poussés par les événements à commettre des actes violents.
Au cours des années suivantes, il se produit dans les boîtes de nuit montréalaises comme le Faisan Doré et le St-Germain-des-Prés, animés tous deux par Jacques Normand mais il chante aussi à Québec au Bal Tabarin, à la Porte St-Jean, Chez Gérard, au Théâtre de l’ile Île d’Orléans, et ailleurs dans la province. Ce chanteur sympathique se montre affable, humble et humaniste à l’humour mordant. Il avait aussi son franc parler devant les bourgeois et les politiciens. Il disait en entrevue : « Ce sont les artistes qui ont fait connaitre le Québec à l’étranger, pas les politiciens ». Troublé par la guerre d’Algérie et la brutalité policière dont étaient victimes les immigrés maghrébins manifestant dans la capitale, alors qu’il vivait toujours à Paname, il écrit en moins d’une heure sa chanson mythique traduite en plusieurs langues, Quand les hommes vivront d’amour.
Parlant d’amour, il nous a quittés le lendemain de la St-Valentin, le beau troubadour qu’il était, toujours fidèle a ses principes d’authenticité, de justice et de vérité, se battant comme Don Quichotte contre les moulins à vent pour faire éclater la vérité et les injustices. Le grand poète a reçu pour sa belle, incomparable et difficile carrière, de nombreux prix, dont la médaille de l’Assemblée nationale du Québec, et est chevalier de l’Ordre national du Québec. En 2018, un buste fut dévoilé à son effigie à la bibliothèque Raymond Lévesque de St-Hubert, œuvre de notre grand sculpteur Armand Vaillancourt.
Merci à ce grand Québécois d’une simplicité désarmante et attachante.