La ville de Québec est sortie de l’ère Labeaume pour entrer dans un tout nouveau chapitre de son histoire, le chapitre Marchand. Jusqu’ici, Québec Forte et Fière ne semble pas comprendre l’urgence de sortir du paradigme automobile. Toutefois, force est de constater que sur le terrain, le communautaire et les organismes citoyens sont extrêmement mobilisés.
Au début de l’année 2020, Droit de Parole était présent à une des nombreuses consultations publiques sécurité routière de la Ville. Souvenez-vous : les grandes orientations de cette vision proposaient de réduire les accidents de 50%. Selon la stratégie routière mise en place par la Ville, on accepte ainsi qu’un certain nombre de blessés graves viennent bomber les chiffres des statistiques, mais on se satisfait tout de même d’avoir pu éviter le pire. Presque deux ans plus tard, la pandémie a mis en lumière les inégalités relatives à la mobilité que vivent certains citoyens.nes.
Alors que le virus de la COVID-19 s’est confortablement installé dans nos foyers et notre imaginaire, le peu de place accordé aux piétons dans l’espace urbain et rural a pris davantage d’ampleur. En effet, respecter la distanciation physique semblait maintenant une insulte à l’égard des piétons, alors que la largeur des trottoirs ne permet absolument pas cette règle sanitaire. Pendant que les plus démunies et vulnérables allaient s’entasser au péril de leur vie dans les services essentiels (autobus, épiceries, hôpitaux, pharmacies), les limites du réseau de transport en commun de la Ville de Québec s’est fait sentir par tout celles et ceux qui ont dû continuer à l’utiliser pour maintenir ce système en place. Les petites mains invisibles du capitalisme étaient à l’œuvre.
Par ailleurs, l’urgence climatique est plus que jamais un enjeu brûlant et inquiétant. Pourtant, Marchand a attaqué l’administration Savard pour le bilan désastreux de la Ville concernant les enjeux environnementaux. Maintenant, il faut faire preuve de détermination et une mise à jour de la stratégie routière 2020-2024 de la Ville de Québec est une priorité. Celle-ci doit être plus audacieuse et imposer un réel frein aux automobilistes. Il est impossible de se sentir concerné par la crise climatique sans remettre en question notre environnement fait sur mesure pour les automobiles. Puisque Marchand ne semblait pas convaincu du bilan environnemental de la Ville, il a maintenant les commandes du navire entre les mains.
Le deux novembre dernier, un piéton s’est fait violemment happer à l’intersection des boulevards Marie-de-l’Incarnation et Charest. Le lendemain, le comité des Citoyennes et Citoyens du Quartier Saint-Sauveur (CCCQSS) organisait une manifestation éclair pour revendiquer des mesures d’apaisement de la circulation. Près d’une trentaine de citoyens.nes se sont réunis.es pour dénoncer cette intersection dangereuse. En pleine campagne électorale, quatre candidats du district Saint-Roch/Saint-Sauveur étaient présents sur les lieux, dont Pierre-Luc Lachance. On doute toutefois que ce dernier soit un piéton, car laissez-moi vous dire, qu’une gang de politiciens à pied aurait depuis longtemps constaté la gravité de la situation et corrigé le problème.
Une semaine plus tard, le huit novembre, lendemain du scrutin électoral, où la SAAQ invitait les piétons à faire attention au changement d’heure et à la noirceur, un autre piéton se fait happer, cette fois-ci au coin boulevard Charest/Aqueduc. Le CCCQSS était déjà prêt : une seconde manifestation éclair est organisée. Cette fois-ci, deux fois plus de personnes étaient présentes, nous étions soixante-dix ! Le huit décembre, un parcours d’affichage a eu lieu sur le boulevard Charest, organisé encore une fois par le CCCQSS.
Face à la déresponsabilisation de la Ville de Québec concernant la sécurité des piétons et des piétonnes, le CCCQSS décide de s’occuper de la tâche, en installant près d’une trentaine d’affiches sur le boulevard Charest afin de signaler aux automobilistes qu’ils ne sont plus sur l’autoroute, mais dans un quartier où circulent des âmes. D’ici là, la question est ouverte : combien de nouveaux blessés la ville est-elle prête à accepter avant d’agir ?
La résilience ne doit pas faire partie de nos qualités en tant que piétons et piétonnes. Nous sommes trop nombreux.ses à avoir subi un choc lors d’un déplacement à pied, à avoir eu peur mais à être ressortis dehors, avec le cœur qui pompe, mais l’urgent besoin de malgré tout se déplacer pour survivre. Face à l’urgence climatique, les déplacements à pied et à vélo doivent devenir une norme sociale et les déplacements motorisés, une déviance. C’est un changement de culture qui est proposé ici, une culture plus humaine pour remplacer celle de l’automobile. Continuons à revendiquer des aménagements urbains qui apaisent la circulation. Les trop nombreux boulevards de cette ville doivent faire place à autre chose. Il semble que les décideurs politiques manquent d’imagination. Laissez-moi vous proposer ici quelques pistes de réflexions, basées sur des besoins réels, ceux de vos électeurs : des logements sociaux, des parcs, des lieux de rencontres, d’échanges et de démocratie participative. Des bibliothèques, des maisons de la culture, des salles de spectacles, des pistes cyclables, des jardins, des forêts nourricières, etc. !
D’ici à ce que les routes fassent place à des espaces conçus pour les humains, c’est avec mon plus grand désarroi que je constate que la valeur d’une vie piétonne est inférieure à celles de toutes ces machines. Mais c’est avec mon plus grand enthousiasme que je prends conscience que nous sommes extrêmement mobilisées, dans absolument tous les quartiers de la Ville de Québec, haute-ville et basse-ville !
Nous sommes organisées et prêtes à tout pour offrir aux générations futures un paradigme différent de celui qui a été construit sur les ruines d’avant. Encore une fois, Droit de Parole met de l’avant les enjeux d’urbanisme de la ville de Québec, dans cette édition d’avant-Noël. Lisez-là avec engagement et sentiment d’urgence, car bientôt, on sera prêt à démanteler des stationnements pour faire place à de la beauté, beauté pétrifiée en-dessous de trop de béton.