ZILE: La technologie contre la communauté locale

Par Andréann Poirier
Publié le 10 avril 2022
Illustration provenant du zine Qu’est-ce qui se cache dernière la ZILE?

Et si le tramway de Québec, dossier si cher au maire Bruno Marchand, s’inscrivait dans une logique de marchandisation du territoire,  tel  que le dénonce le collectif artistique «l’asile»? Au départ, l’asile s’inscrivait face ou contre la ZILE, ce projet du gouvernement du Québec et de la Ville qui prévoit transformer le quartier Maizerets en secteur « payant » sur le modèle de la Silicon Valley.

Depuis, ce projet a changé de nom pour «Innovitam», ce qui laisse supposer une certaine forme d’évolution. Qu’à cela ne tienne ! En dépit du fait qu’Innovitam rend le jeu de mots de l’asile moins évident, il n’élimine pas sa raison d’être. En effet, le collectif ne demeure pas moins un farouche opposant à la vision capitaliste et techno-industrielle qu’Innovitam représente.

L’idée d’une ligne de tramway qui traverse la ville, reliant Cap-Rouge à D’Estimauville, dans le cadre de la mise en place de réseaux de transports « structurants» n’est qu’un exemple de ce que l’asile déplore comme faisant partie de cette gestion économique axée sur la commercialisation et allant à l’encontre de la vie. Et il n’est pas étonnant de constater le faible appui des citoyens de Québec pour ce projet. En effet, si seulement 41 % des gens y sont en faveur, selon le plus récent sondage d’opinions commandé par Léger Marketing, c’est que la majorité ne voit pas le territoire sur lequel ils habitent comme ceux qui ont les plans de construction entre les mains. C’est-à-dire que les administrateurs n’envisagent pas la ville selon son découpage en quartiers comme y est habitué le commun des mortels mais bien comme des zones d’innovation.

Dans ce contexte, il apparaît clairement que le tramway, qui desservira presque tout Limoilou, répond à un besoin de transport de marchandises et de capital humain des nouvelles industries de haute-technologie qu’Innovitam compte attirer surtout dans Maizerets, et jusqu’au secteur Chaudière, où c’est aussi stratégique dans le cadre d’un vaste développement économique qui donne lieu de douter pour qui cela profitera, ou à tout le moins de s’interroger.

2 degrés

À l’occasion du lancement du tout dernier zine produit par l’asile le 17 mars dernier, plusieurs personnes étaient réunies pour en discuter. Cette œuvre, publiée à tirage limité et intitulée « Qu’est-ce qui se cache derrière la ZILE ? » présente une enquête sur Innovitam et fait la lumière sur des enjeux très préoccupants.

Ainsi, on apprend que des fonds de 700 000$ provenant des coffres municipaux (Vision Entrepreneuriale Québec 2026) ont récemment été alloués pour le projet d’incubateur 2 degrés, un organisme à but non lucratif localisé au cégep Limoilou qui devient en quelque sorte le pivot d’Innovitam. En effet, l’incubateur s’occupe de recruter des entreprises ou de lancer des « startup » spécialisées en environnement et en technologies propres, en plein dans le genre que souhaite voir foisonner sur le site désigné du nouveau parc technologique les administrateurs de la ZILE.

Le problème, selon les auteurs du zine, c’est que les principaux acteurs identifiés dans ce projet, tels l’Université Laval, L’INRS, Investissement Québec, Norton Rose Fulbright et Premier Tech, n’ont pas l’intérêt des communautés locales à cœur mais bien celui de leur propre profit. L’asile expose, tout en la dénonçant, l’orientation strictement capitaliste de la vision des zones d’innovations.

Selon eux, la ZILE a pour objectif caché « d’effacer les populations marginales qui habitent le quartier Maizerets pour y développer une zone techno-industrielle et attirer les nouvelles classes travailleuses qui s’y rattachent ».

L’exemple de San Francisco, où l’arrivée massive de travailleurs spécialisés de Silicon Valley a fait grimper drastiquement le prix des logements donne froid dans le dos : en 2013 , le loyer mensuel moyen était de 2741$ et le prix médian pour un condo était de 765 000$. Il ne fait aucun doute que les 15 000 nouveaux emplois et les constructions de maisons et de logements dans des « éco-quartiers » promis par Innovitam ne profitera pas aux résidents défavorisés de Limoilou mais bien à cette nouvelle classe de professionnels au pouvoir d’achat élevé qu’on aura importé à des fins de gentrification du quartier.

Les groupes à la défense des citoyens

Quoi qu’il en soit, une chose est certaine, c’est qu’à Québec nous assisterons à une montée des climats de tension sur le territoire de cette future zone d’innovation, et ce, avant même la première pelletée de terre du premier parc aseptisé ou d’un stationnement étagé prévu par les gestionnaires de ce complexe hautement surveillé. Plusieurs groupes, notamment l’asile, mais également les conseils de quartier de Maizerets et la Table Citoyenne du Littoral, se porteront à la défense des habitants du quartier.

Novlangue techno-industrielle

La récente publication de l’asile constitue une source d’informations fiable et pertinente face à l’arrogance des gens associés à l’incubateur qui utilisent de façon abusive des termes et des expressions vides de sens empruntés à la novlangue techno-industrielle pour communiquer leur vision qui n’est autre que capitaliste. En plus d’avoir le mérite de traduire en français leur jargon, l’œuvre de l’asile fait part de ses propres intentions de résistance et d’occupation.

Ainsi, la ZILE donne lieu à l’émergence de nouveaux enjeux et de nouvelles formes d’activisme dans la région. En effet, on assiste, parallèlement au développement de projets tels que le tramway ou l’incubateur 2 degrés, à la création d’une véritable « zone à défendre » à Québec, ; comme en atteste le collectif artistique de l’asile, impliqué dans l’occupation du garage municipal de la Canardière, autre pôle décisif dans la ZILE.

En Europe, les militants zadistes se réunissent pour squatter des espaces ciblés par des réaménagements et imposent, par leur occupation, des alternatives communautaires, autonomes, locales, aux solutions « productivistes » des promoteurs du gouvernement. Pour en apprendre davantage sur les solutions proposées par l’asile et la table citoyenne littoral-est, contactez le conseil de quartier Maizerets. Le prochain conseil de quartier se tiendra le mardi 12 avril à 19h au centre Monseigneur Marcoux, 2025, rue Adjutor Rivard.

1 Source :ici.radio-canada.ca/nouvelle/1856770/ appui–tramway-forte-baisse-sondage-quebec-janvier-2022-transport

2 lapresse.ca/affaires/economie/201305/03/01-4647456-que-restet-il-de-san-francisco.php Actualité PARC INDUSTRIEL DANS MAIZERETS La technologie contre la communauté locale

 

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