Dans un coin de la ville non-passant, les débardeurs du port de Québec maintiennent une ligne de piquetage depuis le 15 septembre 2022, depuis qu’ils ont été mis en lock-out par leur employeur, la Société des arrimeurs de Québec. On leur rend visite entre Noël et le Jour de l’An; malgré le temps des Fêtes, le quart de huit travailleurs est fidèle au poste. Et dans la discussion autour de la poussière rouge, les négociations des conventions collectives et le droit des travailleurs, ceux sur la ligne de piquetage au 1, boulevard Henri-Bourassa, ont beaucoup à dire.
Recours aux briseurs de grève
Dans l’absence de protections légales, le travail des syndiqués se fait par des briseurs de grève. Stéphane Arsenault, président du syndicat des débardeurs (Local 2614 du Syndicat canadien de la fonction publique), est catégorique: “L’objectif de l’employeur est de détruire le syndicat.“ Selon M. Arsenault, l’employeur, la Société des arrimeurs de Québec, saisit l’opportunité que représente la rupture dans les négociations pour poursuivre cet objectif. Et le recours aux travailleurs de remplacement est une des tactiques les plus efficaces pour miner la place du syndicat et la possibilité de négocier collectivement ses conditions de travail.
La loi canadienne permet aux employeurs d’engager des travailleurs de remplacement. À court terme l’employeur n’épargne pas d’argent: en fait, les briseurs de grève sont payés de bonus de 30$ de l’heure, selon M. Arsenault. Comme le port de Québec est sous la juridiction fédérale, le code de travail du Québec, qui restreint largement l’utilisation de travailleurs de remplacement durant un conflit de travail, ne s’y applique pas.
Les demandes des travailleurs
Malgré le lockout qui dure depuis plus de trois mois, les négociations continuent entre le syndicat et l’employeur mais avec peu d’avancement. En haut de la liste des revendications des travailleurs: des questions de qualité de vie, spécifiquement en ce qui concerne la conciliation travail-famille. “Il y a des groupes de travailleurs qui n’ont droit à aucun congé”, dit Sylvain Michaud, vice-président du syndicat des débardeurs. “Ils peuvent en faire la demande mais rien ne le garantit » – avoir une fin de semaine de congé, par exemple. Pour apprendre s’il travaille le lendemain, un débardeur doit appeler son employeur en fin de journée. “Ça veut dire qu’on peut apprendre à 16 heures qu’on travaille à minuit”, note Yvon Lavoie. Dans l’état actuel des choses, ils peuvent travailler pendant des semaines sans aucun congé.
Parmi les autres revendications des débardeurs, est une meilleure gestion de la sous-traitance. Actuellement, l’employeur offre de meilleures conditions aux débardeurs sous-traitants qu’aux employés réguliers sous la convention collective. Il s’agit, selon monsieur Michaud, d’une autre stratégie pour ébranler le rôle du syndicat.
Peu de couverture médiatique
Les débardeurs ne cachent pas une certaine déception à l’égard de la couverture médiatique de leur conflit de travail. En fait, des accidents sur les lieux de travail depuis le lockout, causés par des opérateurs de machinerie inexpérimentés, ont reçu d’avantage d’attention. Un accident en particulier aurait causé plusieurs millions de dollars de dommages à la grue et aux systèmes de communication d’un navire. Une grue, opérée par un cadre d’une des entreprises opérant au port, aurait écrasé ces systèmes durant une fausse manœuvre. “Le navire a été à quai pendant plus d’un mois parce qu’il ne pouvait plus naviguer”, selon Sylvain Michaud. La grue aurait également été endommagée dans l’accident et n’est plus opérable en attendant des réparations majeures.
Poussière rouge
Un autre avantage d’avoir des opérateurs expérimentés sur la machinerie au port de Québec est ce qui concerne des matières dangereuses. La manipulation de ces substances doit être faite avec soin afin d’empêcher la propagation dans l’environnement; les débardeurs suivent des formations spécifiques sur la façon de travailler de manière sécuritaire avec ces substances. Est-ce que la question des briseurs de grève et des cadres inexpérimentés faisant le travail peut aggraver le problème de la poussière rouge à Québec? “Ils n’ont pas les techniques de manipulation et ça se peut qu’ils émettent plus de poussière à l’air,” selon M. Michaud.