Lorsqu’on considère un troisième lien exclusif aux transports collectifs, on est devant un tableau à compléter. Durant une conversation récente avec Jean Mercier, professeur en politiques de transports à l’Université Laval, il note que la décision du gouvernement de réaliser un projet dédié aux transports collectifs permet de réfléchir à ce dont Québec a réellement besoin en termes d’infrastructures.
Considérons alors l’idée de faire un pont – ou plutôt un tunnel aérien – entre le centre-ville de Québec et le centre-ville de Lévis. Ce tunnel aérien serait un prolongement du tramway, une nouvelle ligne vers la rive sud. Le tramway, arrivant au carré d’Youville souterrain, continuerait ainsi jusqu’à la falaise et partirait en arche au-dessus du fleuve jusqu’aux falaises à Lévis. Des arrêts peuvent être envisagés à Lévis au Complexe Desjardins et au CÉGEP de Lévis, pour commencer.
Pour Jean Mercier, la première piste de réflexion sur une telle structure est sa compatibilité avec le Vieux Québec. « Ce qui peut empêcher ce type de projet, c’est l’ONU” dit-il. Le tunnel aérien serait visible dans le panorama du site UNESCO. Évidemment une considération majeure ; mais en même temps, M. Mercier avance qu’il s’agit d’une belle occasion de créer un symbole de l’avenir de la ville, juxtaposé et en harmonie avec l’urbanisme à l’échelle humaine qu’est le Vieux-Québec.
En 2021, M. Mercier a publié un livre avec les coauteurs Jean Dubé et Emiliano Scanu, sur les grands enjeux des transports à Québec (Comment survivre aux controverses sur le transport à Québec? Septentrion). Ce livre a fait des manchettes durant la campagne municipale à Québec notamment à cause de l’une de ses conclusions : si l’on construit une nouvelle infrastructure de transports entre Québec et Lévis, elle devrait être exclusivement consacrée aux transports collectifs. Le livre trace l’origine de cette idée dans une publication du Groupe d’initiatives et de recherches appliquées au milieu (GIRAM) en 2019. L’idée d’un 3e lien exclusif aux transports collectifs a été amenée sur la scène de la politique municipale par Démocratie Québec en 2020.
Avec le tramway et le premier lien dédié aux transports collectifs, la région de Québec prend un virage important. “D’un point de vue culturel, ce sera un gros changement”, dit M. Mercier. “Déjà la Ville va vivre un changement avec le tramway; un lien dédié aux transports collectifs entre les deux rives représentera un changement énorme”. Également, ces projets vont améliorer le rapport de la population avec l’espace public apportant une certaine “esthétique du tramway” au bénéfice de la Ville.
M. Mercier note que dans les dossiers du tramway et du 3e lien, “les autorités ont fini par accepter l’avis des experts”. Généralement, les experts en urbanisme étaient contre l’idée d’un 3e lien autoroutier entre Québec et Lévis, étant donné des impacts sur l’étalement urbain, sur la congestion routière et les coûts faramineux. Finalement, ce dernier projet a été écarté par le gouvernement. Ils ont écouté les experts, oui, mais aussi selon M. Mercier, la question du financement a joué un grand rôle dans cette décision. “On était pas mal certain que le gouvernement n’aurait pas payé pour une autoroute.” Mais le gouvernement fédéral a dit à répétition qu’il pourrait payer 40% d’un projet de transport collectif entre les deux rives.
Le concept d’un pont ou tunnel aérien pour les transports collectifs entre les centre-ville de Québec et Lévis pourrait avoir beaucoup de bénéfices, d’après M. Mercier, comparé au tunnel souterrain actuellement considéré par le gouvernement. D’abord, un pont serait beaucoup moins coûteux qu’un tunnel souterrain. Également ceci pourrait représenter un défi moins colossal, côté ingénierie, que de creuser en dessous du Fleuve.
Dans une deuxième partie de cet article, nous allons examiner les aspects techniques d’un projet de tunnel aérien entre les deux villes. À suivre dans un prochain numéro.