Il y a un an, la Société des Arrimeurs a mis en lockout les débardeurs du port de Québec, refusant de leur accorder un minimum de contrôle sur leurs horaires de travail. Les débardeurs dénoncent leurs conditions de travail : aucun droit de congé, ils doivent appeler l’employeur chaque soir pour savoir quand ils travaillent le lendemain et n’ont pas de possibilité de planifier des vacances.
De plus, la Société des Arrimeurs peut faire travailler les débardeurs jusqu’à 76 heures par semaine. Ils travaillent souvent 40, 50 jours de suite, sans congé. Sans le droit au congé, c’est la vie personnelle et familiale qui souffre. Selon Stéphan Arsenault, président du local 2614 du Syndicat Canadien de la Fonction Publique (SCFP), l’employeur veut même empirer la situation: « Ils veulent enlever le droit de ceux ayant 20 ans d’expérience ou plus d’avoir une fin de semaine par mois de congé. »
Le 15 septembre, une conférence de presse a été tenue au port de Québec pour souligner l’anniversaire du lockout. Sol Zanetti, député de Québec Solidaire du comté de Jean-Lesage, a pris parole pour dénoncer cette situation intenable. « La raison pour laquelle ce conflit éternise c’est parce que la loi québécoise anti-briseur de grève n’est pas appliquée sur le territoire du port. »
Selon M. Zanetti, «le gouvernement du Québec ne devrait pas tolérer ça.» Il demande au gouvernement d’appliquer la loi québécoise pour empêcher le recours aux briseurs de grève par la Société des Arrimeurs; une demande faite à deux reprises à Jean-François Roberge, ministre responsable des Relations canadiennes. En vain.
Pour l’instant, les débardeurs sont laissés sans rapport de force dans leurs négociations avec l’employeur. Ils doivent laisser passer les briseurs de grève qui traversent constamment la ligne de piquetage. En plus de l’injustice de la situation, ça crée des conflits. Cet été, un véhicule transportant des briseurs de grève a tenté de foncer sur la ligne de piquetage des débardeurs. Un geste haineux, selon le syndicat. M. Arsenault dénonce un « système de justice à deux vitesses ». Malgré les vidéos et témoignages fournis à la police de Québec, aucun retour n’a été reçu de la SPVQ. « On est vraiment revenu aux années 80 », déplore-t-il.
Et les risques à l’environnement et la santé augmentent: les briseurs de grève qui font actuellement le travail, manipulent des matières dangereuses, incluant le nitrate d’ammonium, qui était à l’origine de l’explosion dévastatrice au port de Beyrouth au Liban, en 2020. « Des scabs passent des fourchettes à travers » ce qui représente un risque énorme pour les résidents du centre-ville de Québec, selon M. Arsenault. Ces briseurs de grève n’ont pas suivi les mêmes formations et n’ont pas la même expérience que les débardeurs. De plus, selon M. Arsenault les pompiers ne sont plus informés du transport de ce matériel hautement dangereux, comme c’est l’habitude pour les débardeurs.
Le syndicat dénonce de nombreux accidents au port, causés par des briseurs de grève mal formés et peu expérimentés, en plus des risques majeurs pour la santé de la population qui vit à proximité du port. L’été dernier, les travailleurs des ports de la Colombie Britannique ont été en grève pendant plusieurs semaines, mais la situation a été réglée rapidement. Pour Stéphan Arsenault cela s’explique: « Eux, ils étaient 5 500 en grève. Nous, on est 80 – un nombre facile à couvrir par des scabs. L’union fait la force. »
Lors de la conférence de presse du 15 septembre, Patrick Gloutney, président du SCFP Québec, a souhaité que les 135 000 membres de son syndicat se mobilisent en solidarité avec le lockout des 80 débardeurs de Québec. M. Gloutney croit aussi qu’une loi anti-briseur de grève est nécessaire au gouvernement fédéral. « Ce conflit de travail n’aurait pas duré un an si on avait une loi anti-briseur de grève », pense-t-il.