L’édition 2 024 bat son plein depuis le premier février et, disons-le dès à présent, elle sera couronnée à La Fin, par une fête animée par des performances et le son de Dj St-Michel (rendez-vous le 24 février à la Salle Multi de la coopérative Méduse). Tout au long du mois de février, l’événement se déploie de part et d’autre de la Ville de Québec, contrairement à l’édition de l’année dernière, où son volet expositions était concentré à l’Espace 400ième. Ce dispersement risque d’empêcher plusieurs de voir l’ensemble, mais peut-être aura-t-il l’avantage de permettre à certains de découvrir le Festival et sa programmation prodigieuse.
Avez-vous vu quelques-unes de ses œuvres jusqu’à maintenant ? Au Studio d’essai, Voile, le fascinant rideau de lumière du collectif Club Efemeer, peut-être ? Sinon, toujours à la Coopérative Méduse, chez Avatar, l’opulente installation de Claudie Gagnon, Ainsi passe la gloire du monde : nature morte mouvante où billets de banque, bijoux et bibites s’offraient tel un banquet ? Plusieurs propositions prenaient fin dès le 11 février. L’éloquente série de portraits de l’artiste Josiane Roberge était présentée à la bibliothèque Aliette-Marchand sur le boulevard Pierre-Bertrand. L’artiste montréalais Navid Navab, qui déjà était venu l’an dernier avec la phénoménale Aquaphoneia, revenait en force avec une autre installation sonore, Organism, à la Nef, rue Saint-Joseph. De la matière humaine à l’instrument déconstruit, ces deux artistes à eux seuls – l’une abordant le relationnel à travers le visuel, l’autre l’audio et l’électronique par le démantèlement d’un orgue et de ses sonorités – démontrent la diversité des approches.
Ce n’est cependant que la pointe de l’iceberg : plus de soixante-quinze artistes participent au Mois Multi en 2 024. Ils présentent des expositions et des installations mais également des spectacles et des performances. Des pionniers de l’art multidisciplinaire côtoient une relève émoustillante, des artistes internationaux se mêlent aux locaux. Certains offrent les résultats de résidences, d’autres prennent part à des tables rondes.
Fidèles aux Productions Recto-Verso qui chapeaute le festival, les arts vivants sont particulièrement bien servis. Le Mois Multi débutait avec la présentation de Récits-récifs, une proposition de la chorégraphe Lyne Nault autour d’une île inventée entourée de bouées de banques textiles comme autant de banquises. Les performeurs se présentaient sur scène tour à tour, chacun emballé par un costume qui devenait leur décor intérieur. Simultanément leurs gestes se traduisaient à l’écran avec fulgurance. Décomposés, décalés, étirés par les manipulations de l’artisan numérique Alexandre Burton, ils se désincarnaient en abstractions wignescentes, en flux d’énergies d’une beauté hypnotisante.
Parlant d’énergie, la téméraire Mykalle Bielinsky tentait d’éviter la surchauffe et l’épuisement dans Warmup, à travers une métaphore des défis qu’imposent les bouleversements climatiques et le nécessaire changement de nos habitudes de consommation. La polyvalente chanteuse proposait ainsi une mise en scène écoresponsable et autosuffisante énergiquement… en pédalant tout au long du spectacle pour recharger la batterie qui en générait le son et la lumière ! Si vous regrettez d’avoir manqué ces exquises performances, ou encore la Soirée indomptée qui regroupait également des performeurs de haut calibre, notez qu’il reste quelques spectacles multidisplinaires au programme, et non les moindres. Les 23 et 24 février, avec Mystic-informatic, nous pourrons apprécier une danse qui insuffle aux déchets technologiques une nouvelle vie.
Plus spécialement, est attendu Le Carougeois de Gilles Arteau, l’un des investigateurs de l’art multidisciplinaire au Québec. Dans les années 1 980, il était avec quelques autres l’un des fondateurs de l’Association Obscure qui avait pignon sur rue non loin de la Coopérative Méduse, bien avant que celle-ci s’établisse. Cet organisme a influencé définitivement le paysage culturel de la ville, nous lui devons notamment l’émergence de plusieurs centres d’artistes actuels, dont les Productions Recto-Verso. Avec Le Carougeois, conjuguant l’art de la marionnette, l’art audio, la littérature et la vidéo, Gilles Arteau et ses collaborateurs offriront une performance poétique éclatée, à la fois intime et engagée.
Il y aura aussi encore cette année, des œuvres à découvrir sur Internet. Le collectif Les incomplètes nous embarque dans un projet-fleuve qui, élaboré depuis 2 021, poursuivra son cours jusqu’en 2 026. Le site web Nos territoires sera officiellement lancé le 23 février dans le Hall de Méduse. Il propose une cartographie sonore du Québec à travers la rencontre d’ainés, d’adolescents et des artistes sonores Chantal Dumas, Simon Elmaleh et Mériol Lehmann. Encore, jusqu’au 25 février, le Musée de la Civilisation héberge dans son sous-sol le vaste dispositif de François Quévillon. L’œuvre intitulée Surfaces fuyantes, par ses jeux optiques et sa spatialisation sonore, offre des fragments de paysage et une expérience littérale de l’environnement.
Projections, parcours extérieurs, offre pour la famille ; réalité augmentée ou cinoche ; environnement immersifs et œuvres interactives ; fusion des arts et de la science ; rencontres des médias et des matériaux ; explorations des langages, des techniques et des relations ; le tout servi avec jovialité et débrouillardise. Depuis 25 ans, le Mois Multi est à la fine pointe des bricolages. Saluons son audace et sa persévérance. Profitons de sa programmation foisonnante !
Festival présenté du 1er au 24 février 2 024. Coopérative Méduse et autres salles à Québec. Organisé par les Productions Recto-Verso