Une pétition signée par 2071 personnes a été présentée au conseil d’arrondissement de Charlesbourg le 23 janvier dernier. Le groupe Forêt Charlesbourg s’oppose à la destruction d’une partie du boisé du Carré de Tracy, où le promoteur Construction CRD compte implanter un nouveau quartier de 350 unités de logement.
Une cinquantaine de personnes ont assisté à la séance du 23 janvier. Karine Vieux-Fort et Martine Sanfaçon, de Forêt Charlesbourg, exigeront un référendum, si nécessaire, pour stopper le projet. Pendant la période de questions, plusieurs aspects du projet ont été critiqués, dont le manque d’espace dans l’école primaire, la circulation et la sécurité, la perte d’accès à la nature pour les voisins, et le problème, déjà connu, de la basse pression de l’eau potable dans le secteur. Mais principalement, c’est la destruction du milieu naturel qui dérange.
Jackie Smith, de Transition Québec, et Étienne Grandmont, député de Taschereau, soutiennent l’initiative de Forêt Charlesbourg. Sur leurs pages Facebook, ils encouragent la population à signer la pétition. La Table de quartier Orsainville, Voix citoyenne, et les paroisses Saint-Charles-Borromée et Bon-Pasteur sont du même avis, tout comme l’association locale de Québec Solidaire dans Charlesbourg.
Les documents de la Ville de Québec semblent favorables au projet, mais Claude Lavoie, de Québec forte et fière, assure qu’aucune décision n’est prise. Deux élu.e.s (Claude Lavoie et Marie-Pierre Boucher) du conseil d’arrondissement vont rencontrer Forêt Charlesbourg, et monsieur Lavoie s’engage à visiter le site.
Situé dans le secteur Bourg-Royal, ce milieu naturel est composé d’une partie centrale qui appartient à la Ville, et de deux zones privées. Les voisins ont pris l’habitude de le fréquenter, notamment depuis la pandémie de 2020, pour y faire de la glissade en famille, de la raquette et des randonnées, et pour entretenir les sentiers.
Son écosystème n’est pas banal. Un citoyen a recensé soixante et onze espèces d’oiseaux, dont le grand duc, le grand pic, et la chouette rayée. Il y a des chevreuils à tous les ans, et un orignal a été observé en 2016.
L’association Forêt Charlesbourg veut que l’ensemble devienne un parc géré par la Ville.
La présentation PowerPoint de Construction CRD ressemble à un dépliant de marketing d’un courtier immobilier. On y voit des arbres ensoleillés, des maisons unifamiliales et jumelées, et un enfant souriant, le tout orné de slogans tels «logements pour tous », « éligibles au programme Accès famille » et «un quartier où il fera bon vivre ».
Il n’y a rien sur les impacts environnementaux, et la destruction d’une partie du boisé n’est pas mentionnée.
Des logements, il y en a dans ce « quartier », mais presque rien d’autre. Pas de dépanneur, d’épicerie, de bibliothèque, de café, de resto, de librairie, de centre communautaire, de boulangerie, de jardin, de pharmacie ou de clinique médicale. Le promoteur réserve un terrain pour un CPE (centre de la petite enfance), mais quand ces enfants seront plus grands ? L’école Bourg-Royal est déjà à pleine capacité.
À vol d’oiseau, nous sommes à huit kilomètres du centre-ville. En autobus via le RTC, le trajet prend environ 45 minutes. Le boisé, aux limites de la ville, est situé à quelques kilomètre au nord des terres des Sœurs de la Charité. Le secteur est très peu dense, composé de maisons unifamiliales principalement. La Ville prétend que la faible densité du projet, tel qu’il est proposé, est « cohérente avec la densité existante ».
Voici un quartier où les gens auront certainement besoin d’une voiture, et une famille, d’au moins deux voitures. C’est de l’étalement urbain qui gruge la forêt sauvage, une banlieue digne du vingtième siècle, un modèle de développement non durable, le vestige d’une époque révolue.
On propose de construire de nouvelles rues résidentielles, la plupart sans aucun trottoir. La Ville « étudie la faisabilité » de mettre un trottoir sur Carré de Tracy. Un seul lien cyclable est envisagé.
Bref, ce projet en est un d’étalement urbain qui perpétue la culture de l’auto, qui détruit une partie de la nature, pour que les gens s’installent tout près de ce qui reste de la nature, sans pour autant vivre en harmonie avec elle. Toujours plus d’asphalte, plus de voitures, plus d’étalement, plus de trafic, moins de forêt, et rien ne garantit que la Ville ne récidivera pas : le reste du boisé n’est pas protégé à long terme.
Finalement, ce projet-là ne règle en rien la crise du logement. Avec un prix moyen estimé à 370 000 $ l’unité, le commun des mortels serait exclu, et il n’y aura aucun logement social. La Ville de Québec se sert de la crise du logement comme prétexte pour détruire un milieu naturel, comme s’il n’existait aucun terrain, nulle part dans la ville, où mettre du logement. Comme si on n’avait pas de choix, qu’il fallait raser les arbres et expulser la faune.
Deux ateliers d’échanges ont été organisés par la Ville, en téléconférence le 23 novembre et en présence le 29 novembre 2023. Les citoyens et les citoyennes ont exprimé une préoccupation particulière quant à la préservation d’arbres matures. Par le passé, ce promoteur a eu la mauvaise habitude de couper à blanc avant la construction, puis de planter quelques petits arbres par la suite.
Le conseil d’arrondissement va étudier les rapports et prendre sa décision. S’il accepte le projet, il y aura d’autres consultations et une période d’approbation référendaire. Des modifications aux zonages actuels sont nécessaires pour que le développement immobilier ait lieu. La Ville de Québec doit consulter la population (le processus est en cours présentement), sur une éventuelle modification au Règlement de l’arrondissement de Charlesbourg. Le tout va se jouer dans les prochains mois ; les dates restent à déterminer.